Lorsqu’il nous rendit visite à Helsinki en 1976, mon oncle hockeyeur, venu de Lausanne à bord de sa Mini 500, écoutait l’album At The Speed Of Sound des Wings. Mon père, féru de jazz et de classique, de ce fait peu initié au pop-rock, fit longtemps jouer l’album des McCartney. Monfrère et moi l’avons écouté et réécouté, y compris lors des grandes ruptures, celles du punk, du hardocre, du darkmetal, de la première techno ou du grunge. Il y a dix jours, comme nous quittions Agrabuey en voiture, je passe de cet album Silly Love Song. Aussitôt Aplo (qui est de la génération faux-nègres français hip-hop):
- C’est bien ça! Tu le remets?
Wings
Stan
Stan de Detroit (il vend du savon pour les barbes des hipsters), à qui je demande des nouvelles:
- Oui, ça va, mais en avril, la situation s’est corsée en périphérie Nord… Tu vois le liquor shop? Celui qui est près de la station-service abandonnée. Bref, une bande s’est implantée dans un entrepôt et avec les gars du “neighborhood watching” nous avons dû brûler la plupart des maisons du quartier. Depuis, on est à découvert.”
Arrêt
A quel moment et pourquoi, dans une vie marquée par les déplacements, se dit-on, “voilà, je vais rester ici”? De longue date me fascinent ces trajectoires d’aventuriers fébriles qui ayant parcouru aléatoirement le globe inscrivent soudain leur existence dans des lieux éloignés et improbables.
Anne
Il y a dix ans, cette animatrice culturelle de Genève, Anne Bisang, alors directrice de la Comédie de Genève (théâtre majeur de notre capitale de province) qui me disait à l’occasion d’un débat tenu pour le compte de la télévision officielle sur le thème “faut-il vouloir un statut professionnel de l’artiste?”:
-Toi, de toute manière, tu es contre tout!
Je ne nie pas — du moins fis-je valoir au moment où on me passa le micro que le statut de l’écrivain d’Etat tel qu’il avait existé dans l’URSS, lequel réduisait de pauvres hères à passer sous silence leur fait pour relayer une doctrine politique, n’était pas le choix des amateurs de liberté (j’ajoute ici avec malveillance: sauf lorsqu’on doit son poste d’animateur de la culture capitaliste à l’ascendant légal exercé sur l’artiste).
Souvenir
Olofso m’envoie des photographies du squat prises dans les années 2000. Nous posons dans la cuisine des casseroles sur la tête, au salon en costume noir et cravate pour une performance du G3 alors qu’elle est enceinte (Aplo ou Luv?), dans le couloir avec P.de R. des affiches militantes sur la poitrine que nous allions j’imagine tartiner la nuit sur les murs de Genève, et Olfoso écrit: “il faut que nous fassions une soirée-souvenir !” J’en serais le premier content, mais ce serait pour faire une soirée avec Olofso, pas pour le souvenir. S’agissant de mémoire, je ne m’intéresse qu’à l’avenir. Le passé, le mien, celui des autres, l’histoire, je veux bien, mais comme assise. Avant de se lever. Le temps qui reste se déroule dans une seule direction.
Veille
L’heure de se mettre au lit après la casserole de pâtes. La foudre vient de s’abattre à petite distance de la maison, aussi suis-je sorti dans le village pour m’assurer qu’aucun de nos toits ne brûlait. La météo annonce une journée de samedi ensoleillée. Le vélo est chargé, et le sac, livré cet après-midi suite à une commande sur internet, m’étant aperçu in extremis que le mien est à.. (Malaga, Fribourg, Clarens, Lausanne?).
Drôle 3
Le bar où nous avons rendez-vous se trouve dans la rue centrale. Il n’y a qu’une table occupée, la leur. Dix personnes, j’en connais trois. Avantage, le silence n’est pas de ce pays, les Espagnols parlent. Sauf que — le temps de boire une choppe, ils se lèvent. Demain ils travaillent (c’est un fait). Chacun s’embrasse et file sa direction. Il pleut. Je propose. Nous marchons le long de la citadelle. Menela prenant place dans ma voiture (elle qui tenait à retourner au plus vite à Agrabuey dimanche pour acheter une savon au calendula fabriqué par une néo-rurale):
- Elle sent bon ta voiture. Elle est neuve?