Drôle 2

Eh bien non, je ne con­nais pas encore le car­ac­tère nation­al ou plutôt, lorsque je noue des rela­tions et  les rap­porte abstraite­ment à ce que je sais, je défais mes con­clu­sions, je me juge aber­rant. Arrive le démen­ti. Dans ce cas sous la forme d’un mes­sage télé­phonique à 22h45: “nous sommes au bar dans la ville d’à côté, as-tu envie de nous rejoin­dre?”  Je viens d’avaler deux litres, il y a vingt deux kilo­mètres de route en lacets. Je monte en voiture.

Anti-loi de Moore

Il y a, il y aura des livres, donc des auteurs de livres, mais il n’y aura plus d’écrivains, du moins iden­ti­fi­ables par le pub­lic, débat­tus, lis­i­bles, existants.

Provoquer

Provo­quer, c’est dire: vous avez refusé de m’é­couter quand je ne demandais pas la parole, main­tenant je con­teste votre droit.

Techno-comportement

La pro­gres­sion du coût d’achat des droits de retrans­mis­sion télévisée des tournois de foot­ball est un indi­ca­teur per­ti­nent du recul de la démoc­ra­tie, et je note ceci par défi: nous aurons à terme dans les tri­bunes un sché­ma de paru­tion des sup­port­ers équiv­alant au sys­tème nord-coréen des enfants-pix­els, l’embrigadement accep­té au degré ini­tial ouvrant fatale­ment sur les degrés supérieurs.

Maçon

A seize ans je tra­vail­lais à Fri­bourg, sur les chantiers, en tant qu’aide-maçon. L’autre manoeu­vre, un Yougoslave que le ouvri­ers appelaient “youy­ou”, me don­nait des ordres. Il le pou­vait: il était à la fois plus fort, plus grand et plus ancien. Il avait deux sujets de con­ver­sa­tion. Du lun­di au mer­cre­di, il par­lait des filles qu’il avait con­nues pen­dant le week-end à Châ­tel-Saint-Denis. A par­tir de jeu­di, il racon­tait ce qu’il ferait avec les filles de Châ­tel dès ven­dre­di, à la sor­tie du tra­vail. Fin du mois, le patron m’a remis la paie. L’en­veloppe con­te­nait Fr. 1000.- je les ai dépen­sés dans la bou­tique d’un cou­turi­er inter­na­tion­al de la place Colon à Madrid. La vendeuse m’a passé sur les épaules un man­teau de laine vierge à la coupe impec­ca­ble. Prix: Fr. 700.- Impres­sion­né par le prix, je n’ai pas osé dire qu’il me parais­sait un peu trop grand ni attir­er son atten­tion — ce qui longtemps gâcha mon plaisir — sur un fil qui pendait de l’ourlet inférieur.

Avant

Ils nous deman­deront avec rai­son pourquoi nous n’avons pas réa­gi avant.

Drôle

Pas revu Menela. Drôle de peu­ple ces Espag­nols! J’en­voie un mes­sage au philosophe à nattes. “C’est bien moi, me répond-il. Je te con­tacte!”. Ayant enten­du dire que les amis se ren­con­traient les jeud­is, j’ap­pelle — per­son­ne en décroche — je rap­pelle — tou­jours per­son­ne. Sur­pris? Non. Depuis le temps que je pra­tique ce pays! Tem­péra­ment baroque. A l’e­uphorie suc­cède l’a­tonie. Dit ain­si, nul ne l’ad­met­trait. Plus que cela: si un Espag­nol entendait, il se récrierait — et il serait sincère, c’est qu’il s’ig­nore, sim­ple atavisme.

Préparation 3

Sanz de retour de Saragosse me dit qu’il y fai­sait vingt-sept degrés. Ici, à mil mètres, il en fait dix de moins, mais surtout ce sont ces pluies; elles vont, elles vien­nent, la terre ne sèche pas. Chaque fois que je m’in­stalle au jardin, les nuages fondent sur la val­lée, le ciel se brouille, il tombe des gouttes. Le temps de réu­nir ses affaires, c’est l’a­verse. Je pense à mon voy­age à vélo. Il y a deux ans, nous par­tions à la même époque d’Aveiro dans le nord du Por­tu­gal; mal nous en prit. Entre les neiges, les grêles et les tem­pêtes d’eau, nous avons eu froid, froid et froid, au point — cela ne nous ressem­ble pas — de renon­cer après 500 kilo­mètres. Nos habits avaient le poids d’une ser­pil­lère, dès les pre­miers tours de pédaliers, nous trem­blions. Pire, les routes étaient dan­gereuses. Sur les descentes, le vent qui souf­flait en rafale nous oblig­eait à ralen­tir, par­fois à marcher pour ne pas tomber dans les ravins (les vélos flan­chaient sous le corps). Après-demain, passée la pre­mière cordil­lère, la plaine sera chaude et ensoleil­lée — voilà ce que je me dis. Et aus­si: c’est l’Es­pagne, le mau­vais temps, oui, mais cela ne dure pas (en Suisse, sachant ces con­di­tions, je me retiendrais de pren­dre le départ).

Funeste

Sauf à être aveu­gle, les sig­naux con­cor­dent: impor­ta­tion mas­sive d’anal­phabètes du tiers-monde (nom­més “migrants”), défense sur nos ter­ri­toires d’un culte allogène et rétro­grade (islam), général­i­sa­tion de la sur­veil­lance élec­tron­ique (piratage éta­tique de réseaux soci­aux privés), ajourne­ment des déci­sions pop­u­laires (Brex­it) et neu­tral­i­sa­tion du vote (Ital­ie), arresta­tion des opposants (Tom­my Robin­son), relaxe des mil­i­tants mon­di­al­iste (gauchistes au ser­vice du cap­i­tal), con­fis­ca­tion des armes aux citoyens (adap­ta­tion de la loi Suisse). Dou­blons l’en­traîne­ment, le ciel est bas!

Préparation 2

Avouons-le, je suis inqui­et. Avant de par­courir de grandes dis­tances, je m’en­traî­nais. Sans même par­ler du périple sur la route du Tour de France 2015, dans les Pyrénées, avec ses vingt-deux cols, ce qui avait req­uis plusieurs mois d’ef­forts préal­ables afin de ne pas finir en queue de pelo­ton ou pire suc­comber, la diag­o­nale Oviedo-Mala­ga, entre­prise trois fois de suite avec Mon­frère, étai­et tou­jours précédée d’une pré­pa­ra­tion au vélo sta­tique et d’une ving­taine de sor­ties; là, rien. Deux ans que je me con­cen­tre sur le Krav-Maga et la course. Mais enfin je serai seul, il n’y a pas de rythme imposé. Et sitôt bais­sée, l’in­quié­tude revient: la météo annonce dix jours de pluie, du moins sur la moitié Nord de l’Es­pagne. Or, il n’est pas pos­si­ble de trans­porter des habits de rechange — trop lourd.