Oral

Yan­tún bin huntul x‑nuk u yábil u k’abae’ H‑K’ankabi Ok. Le t’un bine xi’­pala’ hach ku t’ú’ubul u yuúbu tsik­bal tsúlo’ob h‑k’iwik, taak u tal u sástal bin tu bin tu yotoch h‑wenel, le tún bin kan’ k’uchuke’ ku ho’op’ol u k’éeyel Tumen u chich, ku yá’alaal bin tie’:
-Xi’i­pal tu’ux…

Recevoir 2

Voilà, c’est con­fir­mé, je vis avec une chauve-souris. A en juger par l’heure de pub­li­ca­tion de cette note, on ver­ra que je n’in­vente pas. Le spéci­men a pris son envol il y a quelques min­utes comme je m’ex­erçais à voir dans le noir (du sport mil­i­taire).  Et il ne s’ag­it pas d’un ani­mal de pochette-sur­prise; déployé, il mesure trente bons cen­timètres. Pour ce qui est de l’ap­privois­er, je me riais, mais là, c’est autre chose: com­ment l’ex­pulser? Le truc que j’ap­pli­quais autre­fois, ouvrir des fenêtres éloignées pour créer une couloir d’air, ne fonc­tionne pas. Cette chauve-souris est espag­nole, ou alors l’e­spèce à muter. Plus avant, je me demande com­ment elle a pu séjourn­er dans ma cham­bre à couch­er depuis mer­cre­di sans que je remar­que sa présence, puis migr­er d’un étage. La nuit, elle doit manger mes pro­vi­sions dans la cui­sine. C’est ennuyeux. A l’heure d’étein­dre le salon et de pirater un film, mon hôte tourne dans la pièce.

Père

Quand on regarde ce que l’on fait, et que l’on peine à com­pren­dre, on s’aperçoit sou­vent que son père a fait de même, lui aus­si sans com­pren­dre. Mais peut-être ne faut-il y voir qu’une ruse de l’e­sprit des­tinée à nous défauss­er de notre responsabilité.

Scénario

Quand toute l’his­toire aura été mise en fic­tion, nous n’au­rons plus de passé.

Pingu

L’an­née de la nais­sance de mon fils Aplo, j’ex­erçais un méti­er for­mi­da­ble, je tradui­sais Pin­gu. Ce pin­gouin ne par­le pas, il baragouine un jar­gon de pin­gouin. L’essen­tiel de ses journées se déroule sur la ban­quise en com­pag­nie d’autres pin­gouins et chaque épisode de la série a son thème, la cui­sine, l’au­to­mo­bile, le saumon. La multi­na­tionale envoy­ait par cour­ri­er secret un disque que mon patron déca­chetait puis nous pre­nions le tram, ensem­ble, religieuse­ment, pour nous installer dans un lab­o­ra­toire de vision­nement de l’U­ni­ver­sité.
-Prêt?
Le patron éteignait la lumière, lançait le dessin ani­mé. Si j’ai bon sou­venir, l’épisode durait quelques vingt min­utes. Pen­dant ce temps, sur la ban­quise, l’équipe de pin­gouins réal­i­sait toute sorte de prouess­es et par­lait le pin­gouin. Quand le ‘écran affichait le mot Fin, le patron ral­lumait. Le tra­vail com­mençait.
-Le hameçon.
-Oh, oh, oh, comme tu y vas!
-C’est ce qui revient, le hameçon par-çi, le hameçon par-là.…!
-Pas assez par­lant.
-Pin­gu prend des risques.
-Trop long.
-Un pois­son qui résiste.
-Cérébral. Je pro­pose Pin­gu pêche!
-Pin­gu pêche? Tu te fous de moi? Mais il pêche tout le temps. Il ne fait que ça, pêch­er, dans tous les épisodes il pêche.
-Bon. Zut!
-Oui.
-Pin­gu se jette à l’eau…
-Répète.
-Pin­gu..
-Pin­gu se jette… Mais c’est pas mal ça!
Et le patron ral­lumait, nous quit­tions notre sous-sol, nous repre­nions le tram avec le sen­ti­ment du devoir accompli.

Jardinier

Payé à l’heure, notre jar­dinier madrilène qui n’é­tait qu’ar­roseur, pour gag­n­er son salaire, arro­sait pen­dant deux heures.

Non-être 2

Les pop­u­la­tions n’ayant, de façon générale, dans le cours de l’his­toire, pas grande com­préhen­sion du fonc­tion­nement de la langue, les idéo­logues doivent com­pos­er avec la chose la plus opposée à l’idéolo­gie, le bon-sens. L’en­tre­prise actuelle de recon­fig­u­ra­tion des moeurs par la destruc­tion du lex­ique est vouée à l’échec; de ce fait, il se pré­pare une phase de terreur.

Non-être

Ce 27 juin, les députés français ont voté la sup­pres­sion du mot “race” de la Con­sti­tu­tion. Quelque chose qui n’ex­iste pas ne pou­vant être nom­mé, rien ne m’empêchera à l’avenir de me présen­ter ain­si: Alexan­dre Friederich, nation­al­ité suisse, nègre, écrivain.

Galasaga

“Tu ne com­prends donc pas!” Et Gala de m’ex­pli­quer ce qu’elle peut et ne peut pas! Dix-huit ans après le début de notre rela­tion, j’ai beau être habitué, c’est agaçant. Les mes­sages se croisent, se con­tre­dis­ent. Je cherche des répons­es, je trou­ve des ques­tions. Gala dirait de même, j’imag­ine. Mon motif per­ma­nent: “viens à Agrabuey!”. Gala fait alors val­oir que j’ai acheté cette mai­son pour en faire un refuge de guerre. “Il n’a jamais été ques­tion d’y habiter!”. Elle a rai­son. Je réponds: “où veux-tu que j’aille?”. Elle répond: “c’est cela qu’il s’ag­it de décider!”. Nous voilà bien. A Noël, débar­quée à Barcelone, après les fêtes, après le départ des enfants, après le sapin et les choco­lats, elle n’a pas voulu venir jusqu’à Agrabuey; en mars, il y avait le médecin, l’autre médecin et le troisième ou qua­trième médecin, dont les ren­dez-vous placés sur le cal­en­dri­er à bonne dis­tance blo­quaient la venue. Puis le den­tiste. Et Gala ne ces­sait de me rap­pel­er que nous avions prévu d’aller à Bor­deaux chercher un apparte­ment (on se doute que ce n’est pas mon idée, vu l’hor­reur que j’ai de la société… enfin, de la France). Mais, lui oppo­sais-je, Bor­deaux, Bor­deaux, d’ac­cord, mais non sans avoir séjourné aupar­a­vant à Agrabuey, te sou­viens-tu? Se sou­venir, elle le devait bien puisque nous avions, au terme de longues négo­ci­a­tion, établi un pro­gramme des dates et des lieux de l’été jusqu’en octo­bre, liste qu’elle avait aus­sitôt boulever­sée, ou plutôt exclue après mon départ de Suisse pour me don­ner ren­dez-vous à Flo­rence, non, à Venise, où elle viendrait me chercher à l’aéro­port pour, dis­ait-elle, m’emmener dans un apparte­ment prêté par une amie, désireuse qu’elle était de com­mencer “lun­di” un cours de dessin académique. Seule­ment, se ren­dre d’A­grabuey a Venise, cal­cu­laient les moteurs de com­para­i­son, c’é­taient dix-sept, vingt, dans cer­tains cas, les moins onéreux, trente heures de voy­age. A ces con­di­tions, nous pou­vions aus­si nous voir à Byron Bay, au sud de Bris­bane, ne serait-ce que pour partager l’ef­fort (aus­si par ce que j’aime cet endroit). J’in­sis­tais encore, “viens à Agrabuey!” Cepen­dant, mon vélo était envoyé, il attendait poste restante dans les Pyrénées et ain­si, un compte à rebours avait com­mencé, il me faudrait aller le chercher dans les dix jours faute de quoi il serait réex­pédié à l’of­ficine andalouse. Je pro­po­sais de se rejoin­dre à Madrid. J’i­rai en train, rejoindrai Gala à Bara­jas et de là, comme nous avions cou­tume de le faire, nous pren­dri­ons le car pour Sala­manque. Ensuite, retour à Madrid, train pour Saragosse et bus pour Agrabuey. Cela peut paraître com­pliqué, mais je fai­sais val­oir: “tu es à une heure d’avion de Madrid et je suis déjà en Espagne!” A la fin j’eus l’idée saugrenue de pro­pos­er Munich. C’é­tait un peu lâche: je sais que Gala aime cette ville. Je trou­vais un vol au départ de Madrid. Cher­chant encore, je vis qu’il exis­tait un vol de retour sur Saragosse. L’af­faire s’arrangeait. Le pro­jet capota: les prix des hôtels! Exor­bi­tants! Fin de la dis­cus­sion. Suiv­it un jour de lou­voiements, nos mes­sages com­mençaient par “c’est dom­mage…”, “si tu savais…”. Puis je repi­quais: “voyons-nous en Bav­ière!” Car à pian­ot­er sur ma tablette (à grand peine, car, j’en ai fait men­tion dans une note précé­dente, elle a per­du toute sen­si­bil­ité), je vois que les prix des cham­bres ont brusque­ment bais­sé. Le mes­sage que j’en­voie à Gala pro­pose alors de se ren­con­tr­er à Berg Am Laim, le quarti­er sur la colline, dans les hauts de Munich. Il y a là un hôtel à prix acces­si­ble. Gala annonce qu’elle viendrait en voiture puis irait directe­ment à Padoue. De de fait, la dis­pute reprend. Ain­si elle craint la fatigue du voy­age en avion et n’hésite pas à faire mille kilo­mètres de route? Réponse: “ça n’a rien à voir, je suis dans “ma” voiture!”. Soit. Nous sommes sur le point de tomber d’ac­cord, d’au­tant plus que je trou­ve un vol direct avec la Nor­we­gian Air­lines Mala­ga-Munich. Alors, je con­state que je ne peux pas acheter de bil­let d’avion ayant codé ma carte de crédit avec un télé­phone resté en Suisse. Mais — on l’ou­blie — il existe des agences de voy­age. Paco, avec qui je par­le de course à pied et de nata­tion, des cent-un kilo­mètres de la légion et du chemin de Saint-Jacques m’achète un bil­let pour Munich. Je con­firme: “je serai dimanche à Munich!”. Mes­sage de Gala, “je vais essay­er”.  Autre mes­sage: “j’ai des habits à aller chercher et il faut que je passe à la pharmacie…”

Quelques hommes

Cette remar­que de Guy Debord qui con­cerne le sur­réal­isme pour­rait aus­si bien s’ap­pli­quer à l’im­mi­gra­tionnisme: “Le refus de l’al­ié­na­tion dans la société de morale chré­ti­enne a con­duit quelques hommes au respect de l’al­ié­na­tion pleine­ment irra­tionnelle des sociétés prim­i­tives, voilà tout.”