Galasaga

“Tu ne com­prends donc pas!” Et Gala de m’ex­pli­quer ce qu’elle peut et ne peut pas! Dix-huit ans après le début de notre rela­tion, j’ai beau être habitué, c’est agaçant. Les mes­sages se croisent, se con­tre­dis­ent. Je cherche des répons­es, je trou­ve des ques­tions. Gala dirait de même, j’imag­ine. Mon motif per­ma­nent: “viens à Agrabuey!”. Gala fait alors val­oir que j’ai acheté cette mai­son pour en faire un refuge de guerre. “Il n’a jamais été ques­tion d’y habiter!”. Elle a rai­son. Je réponds: “où veux-tu que j’aille?”. Elle répond: “c’est cela qu’il s’ag­it de décider!”. Nous voilà bien. A Noël, débar­quée à Barcelone, après les fêtes, après le départ des enfants, après le sapin et les choco­lats, elle n’a pas voulu venir jusqu’à Agrabuey; en mars, il y avait le médecin, l’autre médecin et le troisième ou qua­trième médecin, dont les ren­dez-vous placés sur le cal­en­dri­er à bonne dis­tance blo­quaient la venue. Puis le den­tiste. Et Gala ne ces­sait de me rap­pel­er que nous avions prévu d’aller à Bor­deaux chercher un apparte­ment (on se doute que ce n’est pas mon idée, vu l’hor­reur que j’ai de la société… enfin, de la France). Mais, lui oppo­sais-je, Bor­deaux, Bor­deaux, d’ac­cord, mais non sans avoir séjourné aupar­a­vant à Agrabuey, te sou­viens-tu? Se sou­venir, elle le devait bien puisque nous avions, au terme de longues négo­ci­a­tion, établi un pro­gramme des dates et des lieux de l’été jusqu’en octo­bre, liste qu’elle avait aus­sitôt boulever­sée, ou plutôt exclue après mon départ de Suisse pour me don­ner ren­dez-vous à Flo­rence, non, à Venise, où elle viendrait me chercher à l’aéro­port pour, dis­ait-elle, m’emmener dans un apparte­ment prêté par une amie, désireuse qu’elle était de com­mencer “lun­di” un cours de dessin académique. Seule­ment, se ren­dre d’A­grabuey a Venise, cal­cu­laient les moteurs de com­para­i­son, c’é­taient dix-sept, vingt, dans cer­tains cas, les moins onéreux, trente heures de voy­age. A ces con­di­tions, nous pou­vions aus­si nous voir à Byron Bay, au sud de Bris­bane, ne serait-ce que pour partager l’ef­fort (aus­si par ce que j’aime cet endroit). J’in­sis­tais encore, “viens à Agrabuey!” Cepen­dant, mon vélo était envoyé, il attendait poste restante dans les Pyrénées et ain­si, un compte à rebours avait com­mencé, il me faudrait aller le chercher dans les dix jours faute de quoi il serait réex­pédié à l’of­ficine andalouse. Je pro­po­sais de se rejoin­dre à Madrid. J’i­rai en train, rejoindrai Gala à Bara­jas et de là, comme nous avions cou­tume de le faire, nous pren­dri­ons le car pour Sala­manque. Ensuite, retour à Madrid, train pour Saragosse et bus pour Agrabuey. Cela peut paraître com­pliqué, mais je fai­sais val­oir: “tu es à une heure d’avion de Madrid et je suis déjà en Espagne!” A la fin j’eus l’idée saugrenue de pro­pos­er Munich. C’é­tait un peu lâche: je sais que Gala aime cette ville. Je trou­vais un vol au départ de Madrid. Cher­chant encore, je vis qu’il exis­tait un vol de retour sur Saragosse. L’af­faire s’arrangeait. Le pro­jet capota: les prix des hôtels! Exor­bi­tants! Fin de la dis­cus­sion. Suiv­it un jour de lou­voiements, nos mes­sages com­mençaient par “c’est dom­mage…”, “si tu savais…”. Puis je repi­quais: “voyons-nous en Bav­ière!” Car à pian­ot­er sur ma tablette (à grand peine, car, j’en ai fait men­tion dans une note précé­dente, elle a per­du toute sen­si­bil­ité), je vois que les prix des cham­bres ont brusque­ment bais­sé. Le mes­sage que j’en­voie à Gala pro­pose alors de se ren­con­tr­er à Berg Am Laim, le quarti­er sur la colline, dans les hauts de Munich. Il y a là un hôtel à prix acces­si­ble. Gala annonce qu’elle viendrait en voiture puis irait directe­ment à Padoue. De de fait, la dis­pute reprend. Ain­si elle craint la fatigue du voy­age en avion et n’hésite pas à faire mille kilo­mètres de route? Réponse: “ça n’a rien à voir, je suis dans “ma” voiture!”. Soit. Nous sommes sur le point de tomber d’ac­cord, d’au­tant plus que je trou­ve un vol direct avec la Nor­we­gian Air­lines Mala­ga-Munich. Alors, je con­state que je ne peux pas acheter de bil­let d’avion ayant codé ma carte de crédit avec un télé­phone resté en Suisse. Mais — on l’ou­blie — il existe des agences de voy­age. Paco, avec qui je par­le de course à pied et de nata­tion, des cent-un kilo­mètres de la légion et du chemin de Saint-Jacques m’achète un bil­let pour Munich. Je con­firme: “je serai dimanche à Munich!”. Mes­sage de Gala, “je vais essay­er”.  Autre mes­sage: “j’ai des habits à aller chercher et il faut que je passe à la pharmacie…”