Socialisme, paravent des dictatures.
Révision
2007, Catherine Safonoff avec qui je correspondais alors jour après jour par lettre postée, m’écrivait: « quand tu seras fatigué, tu feras de grandes choses. » Mon sentiment aujourd’hui avec la venue de la fatigue est que je ne ferais rien de plus, et peut-être plus rien, sinon me demander comment finir. Avec, sans ou contre la société.
Clandestins
Histoires clandestines des familles. Peu éventées, bientôt enfouies. Ou alors à titre posthume, par voie de testament, à travers une autobiographie, parfois un lynchage. Car la famille, ce n’est jamais l’autre. Ce que l’on sait n’a d’égal que ce que les familiers savent. A ce jeu, tout le monde est perdant. Sous son aspect de groupe biologique doublé d’une d’institution symbolique, les familles, nécessairement clandestines, sont donc un facteur de stabilité sociale. Ou étaient.
Jurer
En terrasse, devant la plage, début décembre, nous dînions avec un couple d’amis et leurs deux enfants, huit et dix ans. Lui est au Ministère, elle travaille dans une banque. Réagissant à un propos, je m’exclame. “Joder!”. Ce qui veut dire en plus vulgaire, mais aussi courant: “nom de dieu!” Regard inquiet et de biais du grand à son père. Belle rigueur de l’éducation que de tenir les jeunes à distance du juron. Pour moi, j’ai repris Aplo et Luv jusqu’à leur huit, peut-être dix ans. Puis je me suis remis à jurer comme j’ai toujours fait, abondamment.
Noël
Seul ce soir et ces jours. Les enfants et Gala arrivent jeudi à Barcelone, je roulerai sept cent kilomètres. A peine sorti. Me faisant discret. Aucune envie de croiser, de parler, de féliciter ni de raconter. Au point qu’hier, comme je marchais le long de l’eau, il me vient l’idée de prolonger jusqu’à l’ermitage du Saint-Graal. Je vais un bâton à la main, des chiens gardent la ferme. Devant le pont, je renonce à prendre le sentier, je continue par la route (pas envie d’abois). Mais alors j’entend des rires. Des silhouettes au fond de la vallée. J’ai rebroussé chemin. Plus tard, je ressors. C’est presque nuit. L’heure d’aller couper un sapin. La hache norvégienne et les gants de garagiste dans un sac, je monte par l’église, rejoins le sentier du Nueno. Surgit Manal. Pendant toute la discussion, il tient une pierre à la hauteur de ma tête. Comme moi, il appelle le gouvernement de France, “les monarchistes”. Après s’être souhaité un bon Noël, il lance:
-La prochaine fois, il faut qu’on parle de politique planétaire.
Dix minutes plus tard, j’ai mon arbre. Moyen (l’an dernier il mesurait trois mètres), touffu et bien galbé. J’emballe les cadeaux en musique. Ouvre mes bières. Et me couche. Ne dors pas. Me relève. Toutes sortes de livres dans la chambre, Simenon, Montaigne, Polanyi, Calaferte, mais l’impression ne me quitte pas; elle suggère, “attend l’année prochaine! ne fais plus rien! c’est assez pour 2018!”. Conseil, long feu. Sur la table, devant la cheminée, je travaille aux albums de photos. Six heures d’affilée, je coupe et colle des clichés pris sur les dernières vingt années. Olofso, Aplo. Luv. Gala. Au squat, dans le Gers, les Landes, au Mexique, à la mer, à la montagne, à la plage, et les enfants de la taille de ma main grandissent au fil des pages…
Conscience-machine
Que la conscience soit, comme le postulent les philosophes théorisant dans le giron du posthumanisme, une fonction émergente de la matière, je veux bien et l’admets d’autant plus volontiers qu’il s’agit souvent dans le camp anglo-saxon de battre en brèche les idéologues créationnistes. Le problème survient lorsque ces mêmes philosophes infèrent de ce postulat la future calculabilité de cette conscience qui devient dès lors une fonction supplémentaire de la machine. Imputation contradictoire d’ailleurs, puisque d’un côté ces philosophes misent sur la singularité (la machine, ou l’hybride homme-machine, acquiert des qualités qui dépassent le jeu des causes), de l’autre côté ils prétendent faire émerger la conscience en tant que qualité qui dépasse la compréhension d’une démarche volontaire et scientifiquement ordonnée.