Libération

Les femmes voulaient leur lib­erté. Elles l’ob­ti­en­nent, elles l’ont. Lib­erté qui con­siste prin­ci­pale­ment à tra­vailler comme des hommes, s’en­nuy­er au tra­vail comme des hommes, êtres admin­istrées abstraite­ment comme les hommes et obéir à une hiérar­chie pro­fes­sion­nelle toute mas­cu­line qui le resterait quand bien même la majorité des posi­tions seraient occupées par des femmes. Le salaire de ce tra­vail libéré? D’abord,  pay­er la hiérar­chie d’E­tat. Et dans la vie des corps, du sym­bole, des esprits, du moral, la famille n’est plus qu’une réu­nion ponctuelle, sur ren­dez-vous, après le tra­vail. Vide que vam­pirisent avec l’ap­pui et l’aide financiers des gou­verne­ments des prim­i­tifs du tiers-monde, pour l’essen­tiel des Africains, qui fuient leur poubelle nationale — qui ne la fuirait ? — et pour lesquels tout vaut mieux que cela (cette poubelle qu’ils ont créée), c’est dire que tout vaut. Je note cela, car j’é­tais il y a quelques jours à Lat Kradang, quarti­er de la périphérie de Suvarn­ab­hu­mi, l’aéro­port de Bangkok, lieu de tran­sit des touristes qui sil­lon­nent l’Asie du Sud-est. Que voit-on? Des hommes blancs de tous les âges, solides, argen­tés, et heureux, heureux enfin car libérés. Ils respirent! Des hommes que l’on a méprisé et con­traint. Ils pren­nent femme et amis ici et, sen­ti­ment qu’ils avaient oublié, ils respirent! Hommes blancs en fuite, qui se demandaient si un jour ils retrou­veraient leur souf­fle. Hommes blancs que l’on rem­place, que les gou­verne­ments rem­pla­cent, aux frais des hommes blancs, dans leur société, dans la société que leurs ancêtres blancs ont bâti, par des éner­gumènes d’im­por­ta­tion, sans langue, sans cul­ture, sans esprit, avec reli­gion, une reli­gion de niveau totémique, absol­u­ment inféodés et prêts à jouer le rôle d’esclaves économiques et sex­uels auprès des femmes libérées d’Occident.

Gilets

Pour la vingtième fois hier, man­i­fes­ta­tion des Gilets jaunes en France. Le Min­istère de l’Intérieur annonce 25’000 per­son­nes, la police qua­tre fois plus ; les intéressés? Pas vu le chiffre. Les quo­ti­di­ens relaient ? Le Min­istère de l’Intérieur. Quo­ti­di­ens indépendants.

Birmanie 2

Espace, béton, ciel. Béton et ciel l’un con­tre l’autre. Grande, immense forêt cul­tivée. Silence dans la cap­i­tale. Jux­ta­po­si­tion de quartiers et de frich­es. Chaleur immo­bile. Cer­taines zones, sans un loge­ment. Voitures de police qui trans­portent des enfants. Un cen­tre com­mer­cial posé au milieu des riz­ières. Chants d’oiseaux, pneus qui chuin­tent, échos de voix. Le long des autoroutes, bal­ais que traî­nent des mil­liers de can­ton­niers. Autre monde. Depuis longtemps, ce que j’ai vu de plus intéressant. 

Birmanie

Atter­ri à Naypyi­daw. Treize pas­sagers dans le bi-moteur. Seul avion sur le tar­mac. Trois min­utes plus tard, un taxi à la sor­tie de l’aéroport. Autoroute de dix pistes vide. Départ pour la zone 3, où je réside.

“Luxury Hotel”

Au pre­mier étage du Vien­tiane lux­u­ry hotel, qui n’est pas lux­ueux et n’est pas bien lavé, der­rière une vit­re pleine de soleil, je pédale. En bas, dans la rue, deux familles vont et vien­nent. Elles entrent et sor­tent de leurs maisons qui sont mitoyennes et don­nent sur la rue. Il n’y a pas de trot­toir, les familles vivent chez elles, mais aus­si dans la rue. Une ou deux familles ? Je ne saurais dire. Par­fois un indi­vidu change de mai­son, mais peut-être rend-il une vis­ite en voisin ? Comme je pédale pen­dant des heures, j’assiste à leur quo­ti­di­en. La grand-mère vide son assi­ette dans une poubelle accrochée au mur, le père trie des feuilles de thé. La fille ren­tre du bad­minton, elle ressort changée. Le père démarre la moto et l’accompagne à l’école (elle porte l’uniforme et un cartable). Le père gare tous les véhicules de la famille, deux motos, un vélo, le tri­cy­cle, puis déplace la voiture, plutôt la rap­proche de quelques cen­timètres du bord du trot­toir. Le père met de l’ordre. La voi­sine arrive à moto, roule sur la ter­rasse, dis­paraît à l’intérieur de la mai­son avec la moto. La grand-mère étend le linge. La petite-fille (coupe de bonze) s’enfuit. La mère la rat­trape, un 4 x 4 passe. A nou­veau, elle s’enfuit. On la rat­trape. La grand-mère et la mère la ramè­nent sur la ter­rasse. C’est un jeu. Les deux femmes me voient et me mon­trent à la gamine. Je fais signe, les femmes font signe, la gosse ne com­prend pas. A cet âge, à quelle dis­tance voit-on ? Le lende­main, à nou­veau à mon poste. Ce n’étaient pas des feuilles de thé, mais une épice. La famille pré­pare à manger, sort dif­férents plats sur la ter­rasse, attend le client. Début d’après-midi, elle mange ce qu’elle n’a pas vendu.

Disparaître

Il sem­ble que je sois le seul à être choqué par le fait qu’on ne puisse plus dis­paraître. Sauf si on est riche. Ce qui ajoute à mon angoisse.

Crass

“There is not author­i­ty but your­self”. Peint sur les draps accrochés aux murs des salles où le groupe jouait en 1978 son album “Sta­tions of the Crass”.

Triumvirat

Sont intim­i­dants la beauté, le luxe et l’administration.

Activité 2

Dans un char­i­ot dont elle actionne les roues au moyens de manettes, une hand­i­capée, femme vieille, joyeuse et vive, arpente les rues du cen­tre de Vien­tiane à l’heure où je m’in­stalle devant l’épicerie. Le pre­mier jour, un chien noir paraît avant son arrivée. Le lende­main, il paraît après son arrivée. Le jour suiv­ant, il marche à côté du char­i­ot, part et revient. Quand la femme pousse sur les manettes pour s’en aller, il est couché au sol. De l’autre côté du car­refour, elle lui par­le. Le chien ouvre l’oeil, dresse l’or­eille, se tourne. Il hésite. Il sem­ble deman­der con­seil. Je ne bouge pas. Une autre phrase de la femme, longue, une sorte d’ex­pli­ca­tion, et le chien se décide.

Activité

A Vien­tiane, chaque après-midi, lorsque la tem­péra­ture passe sous la barre des 40 degrés, je prends place sur un banc de étal devant une épicerie qui garde de la Laobeer au frais. Les chauf­feurs, les gar­di­ens de porte, et les maçons qui con­stru­isent l’im­meu­ble voisin achè­tent des jus de mangue, de mel­on et d’ananas frap­pés avec de la glace. Dès le troisième jour de ce rit­uel de fin de journée — saluer la dame qui se tient dans son antre par­mi les paque­ts de chips et les savons, ouvrir l’ar­moire, pren­dre une Laobeer, pay­er 10’000 Kip, s’asseoir sur le banc — la dame s’est aperçue qu’elle pou­vait aus­si bien trans­former son épicerie en café, elle a donc sor­ti une table et des chais­es sur le trot­toir. Le reste du temps, le men­ton dans les mains, elle regarde des reportages sur les ani­maux polaires, ours de Sibérie, Rennes lapons, loups kazhaks.