Durée

Com­bi­en de temps encore cette idée de Dieu?

Toit 2

La mai­son que j’habite, mai­son de pau­vre, autre­fois grange, abri pour ani­maux, rapiécée par des gens nour­ris d’e­spoir et d’ha­biletés (pré­cisons, habiletés illu­soires, cette richesse du pau­vre) fuit par le toit, poudroie par les murs, inonde par le fond. Les ouvri­ers du vil­lage décou­vrent le toit. Empi­lent les tuiles. Elles seront jetées. Autre­fois, il y avait de la planche. Pour le caré­nage. Elle y est tou­jours. Mais les pau­vres ont pra­tiqué leur art: couch­er par l’ex­térieur, sur la planche, une forte épais­seur de morti­er. Forte, en terme de poids — ceci afin que l’on voie la dif­fi­culté dont je par­le — sig­ni­fie : six ou sept tonnes d’un mélange grossier de sable et de ciment. Qui, dans le meilleur silence, lorsque le ciel est immo­bile, me coule sur les épaules. Intem­pes­tif. Une pierre tombe. Une autre. Encore une. Ou une poignée de sable. Si je regarde un film, si je lis, je me lève, je ramasse. Lorsque je dors, j’en­tends, je me ren­dors. Le matin, bal­ayette en main, je fais des tas. Et me fatigue. Car le labeur est con­tinu. D’où l’idée de recou­vrir le toit de neuf. Seule­ment voilà, impos­si­ble de cass­er la couche de morti­er. Il faudrait sor­tir les meubles et qua­tre mille livres. Une démé­nage­ment uni­versel. J’au­rai donc, dans quelques jours, un toit neuf qui con­tin­uera de m’en­voy­er des pier­res sur la tête.

Toit

Les ouvri­ers sur le toit, l’un sif­fle, l’autre entonne un  chant, tous chantent.

Conseils Microsoft Edge

Restez pro­duc­tif. Organ­isez-vous. Restez en sécurité.

Cullinan Billionaire

Au volant de la Rolls, Mon­frère. Dans un virage, je glisse du siège pas­sager. Cher­chant à me relever, je crains de touch­er les pédales, de provo­quer un acci­dent. La lim­ou­sine tra­verse New-York, frôle un motard à l’ar­rêt, un poteau. Je compt­abilise les grif­fures, con­jec­ture les frais. Nous repar­tons. Un camion de la voirie s’en­gage à droite. Mon­frère le suit. Le camion bifurque.
-Atten­tion au mur!
La Rolls plante dans l’im­passe. A gauche, à droite, un parc. C’est la pause de midi. Les New-Yorkais déam­bu­lent, boivent le café et bavar­dent. Un homme en cos­tume approche. Je lis sur ses lèvres. Il me sem­ble… oui, on dirait:
-Il par­le français!
-En effet, dit-il, je suis l’am­bas­sadeur, lais­sez-moi vous aider. Vous êtes dans une mau­vaise sit­u­a­tion. En l’é­tat, vous ne pou­vez ni reculer ni tra­vers­er le parc. Le dernier qui a essayé a reçu une amende de 27’000 $. Mais vous avez de la chance, la min­istre de l’In­térieur est mon amie. Je l’ap­pelle! Ne bougez pas.
“Mar­gret…?”.

Pro-

La pro­pa­gande d’une idée n’a que deux motifs. Phago­cyter toute per­son­ne qui nierait cette idée sachant que celui qui la défend vit de sa con­vic­tion ou con­trôler l’ac­tion. Le pro­pa­gan­diste peut donc être ou n’être pas croyant.

Educations

L’op­posé de la con­trainte est tou­jours fausse lib­erté. Il faut donc sortir de son édu­ca­tion sans la con­tr­er. Pour en sor­tir, défaire les élé­ments qui la com­posent. Ce qui implique de les com­pren­dre. Et de com­pren­dre leurs rela­tions. Le mieux étant ici de saisir dans la généra­tion qui précé­da celle qui nous a for­mé quelles étaient les valeurs et leur tra­duc­tion sociale. C’est fatale­ment l’in­er­tie des indi­vidus les men­tale­ment moins aptes à la cri­tique qui crée le sché­ma oblig­a­toire. Il est repérable. A par­tir de là, recon­fig­ur­er ses cir­cuits. Leurs pos­si­bil­ités. Dans quelle direc­tion? Pour quel sens? Ques­tion inutile. Dans toutes les direc­tions, pour tous les pos­si­bles. Ouver­ture max­i­mum. Néga­tion de l’hu­mil­i­a­tion idéologique du bon sens, nature et cul­ture, et liberté.

Philosophie

Pour étudi­er la philoso­phie à vingt ans, comment fait-on ? Com­ment ai-je fait? Je com­prends enfin ce que je com­pre­nais. Quant à savoir ce que je pou­vais bien comprendre…

Le cerveau

Est informable et déformable.

Rose

Dans le car longue dis­tance une fille, peut-être une femme, qui manque de cou, qui a du ven­tre, qui lit la bible. Elle passe le siège qui se trou­ve der­rière moi, dans lequel est assis un garçon en tout pareil, sinon qu’il sent le cannabis. Puis avec d’ap­pli­ca­tion repasse dans l’autre direc­tion et s’as­soit. Elle attend une minute, puis le salue:
-Tu es là?
-Oui, oui.
-Tu ne m’avais pas vue?
-Non.
-Tou­jours ces petites menter­ies.
-Non, vrai­ment.
-Je suis passé devant toi!
-Je ne t’ai pas vue, je n’ai rien vu.
-Allez, ce n’est pas grave, mais je ne te crois pas.
Puis elle ouvre sa bible et pen­dant tout le tra­jet lit en prononçant du bout des lèvres un morceau de texte souligné en rose.