Toit 2

La mai­son que j’habite, mai­son de pau­vre, autre­fois grange, abri pour ani­maux, rapiécée par des gens nour­ris d’e­spoir et d’ha­biletés (pré­cisons, habiletés illu­soires, cette richesse du pau­vre) fuit par le toit, poudroie par les murs, inonde par le fond. Les ouvri­ers du vil­lage décou­vrent le toit. Empi­lent les tuiles. Elles seront jetées. Autre­fois, il y avait de la planche. Pour le caré­nage. Elle y est tou­jours. Mais les pau­vres ont pra­tiqué leur art: couch­er par l’ex­térieur, sur la planche, une forte épais­seur de morti­er. Forte, en terme de poids — ceci afin que l’on voie la dif­fi­culté dont je par­le — sig­ni­fie : six ou sept tonnes d’un mélange grossier de sable et de ciment. Qui, dans le meilleur silence, lorsque le ciel est immo­bile, me coule sur les épaules. Intem­pes­tif. Une pierre tombe. Une autre. Encore une. Ou une poignée de sable. Si je regarde un film, si je lis, je me lève, je ramasse. Lorsque je dors, j’en­tends, je me ren­dors. Le matin, bal­ayette en main, je fais des tas. Et me fatigue. Car le labeur est con­tinu. D’où l’idée de recou­vrir le toit de neuf. Seule­ment voilà, impos­si­ble de cass­er la couche de morti­er. Il faudrait sor­tir les meubles et qua­tre mille livres. Une démé­nage­ment uni­versel. J’au­rai donc, dans quelques jours, un toit neuf qui con­tin­uera de m’en­voy­er des pier­res sur la tête.