Interdire l’élection des personnes, toute représentation confondue. Afin de récréer le débat politique, plus de personnel politique. Et que voyons-nous, jusqu’en Suisse, pays du contrat, anti-nation? L’industrialisation par l’image, sur le modèle américain, des éligibles.
Amibe
La théorie dite “Einstein et l’amibe” permet par extrapolation d’illustrer la raison d’être de la forme spéculative, et partant l’utilité collatérale, des approches hallucinantes de Maurice G. Dantec expérimentées dans son Laboratoire de catastrophe générale. L’amibe cherche à survivre dans l’écosystème alors qu’Einstein produit des hypothèses que permettent d’explorer le champ des possibles humains, au delà de la simple survie, quitte à mourir. Les écrits dérivant des nuits droguées de Dantec sont autant de plans sur l’infini, donc fous, comme doit l’être la science si elle veut trouver parfois; les plans de Dantec n’étant pas scientifiques, ils sont doublement fous — ce qui ne dit pas que l’audace double ne délivre pas le monde de lui-même.
Nazisme
Hannah Arendt a le mérite de tenir un discours insupportable pour le peuple juif lors du procès d’Adolf Eichmann: enfin en mesure de juger un criminel nazi dont la culpabilité permet d’exorciser le mal, elle explique devant Israël que le concept de déresponsabilisation par les ordres, la hiérarchie et le schéma de délégation est une donnée méta-politique.
Rouge
“La Volvo du voisin était rouge, a‑t-il déclaré à l’inspecteur. Cela m’a toujours, euh, surpris… oui. Vous comprenez, nous tondions le gazon ensemble, et Roger… bref, cette voiture, sa couleur, ça ne n’allait pas avec son caractère. Demandez à ma femme… ce que je veux dire c’est que ça ne m’a pas étonné quand elle a brûlé”
1997
Il y a trente ans le directeur d’une revue genevoise, un ami, sachant que j’écris de la poésie, me demande une contribution. Ma technique d’alors, immédiatement inspirée des cut-ups de Bryon Gysin donnait un recueil intitulé Poèmes carrés, assemblage de mots chevillés par une contrainte d’architecte. Au lieu de quoi je lui fournis un texte sur les logiciels de création plastique pour dire: il n’y a pas, il ne peut y avoir de logiciel de création parce que la création n’est pas l’effet d’un calcul.
-Oui, mm, me dit le directeur, tu es meilleur dans les poèmes, donne un poème!
Squatt, fumée, froid
Chargé hier deux milles kilos de bûches de bois pour mon salon, pour mon fourneau. Le transport vous pèse sur les bras, l’assemblage de la réserve exige un ingénierie que je n’ai pas — le paysan conseille, j’improvise. Cet après-midi, en route dans ma Dodge pour le centre d’alimentation Carrefour, je raccroche à la mémoire et observe: lorsque je vivais à Florissant-Genève, dans la maison abandonnée, j’ai chauffé ma chambre pendant deux ans au poêle. Tout en conduisant, je fais le constat. Puis demande: “comment?” Car je n’ai jamais acheté un bout de bois. Tout venait de la rue. En plein Genève. C’était? Des poteaux volés, du meuble aggloméré, des barrières de chantier.
Détail
A l’instant au bar d’Agrabuey. Comment dire le lieu? Nous vivons dans un trou physique, c’est l’automne, l’hiver vient, au registre d’habitation nous sommes trente-cinq inscrits. Exclus les nonagénaires et les trois enfants, cela fait une solide dizaine d’individus. Certains soirs, les meilleurs, affaire de conjonction, acheminés vers le bar, entre la fontaine (eau municipale) et le fronton (en déshérence), nous tenons le comptoir. Le cas ce soir. Chaleur particulière d’un rapport d’occupation du site d’Agrabuey. “Nous sommes là”. Telle est la maxime gravée dans les cerveaux des villageois qui font vie dans le trou. Pour rien au monde, je n’échangerais contre New-York.