Dans les milieux technophiles et argentés, américains surtout, le bouddhisme apparaît comme une religion de secours. Paradoxe étrange. C’est une philosophie de pauvres. Les techniques rudimentaires qui agencent les individus des sociétés du bassin du Gange (origine du Bouddha, et je met de côté l’acclimatation de la pratique en Asie du sud-est) rendent nécessaire, par mesure de sauvegarde psychologique, l’idée que à la fin du combat pour la survie du corps propre, la mort, n’est pas la négation du combat, mais l’abolition de l’effort, donc un positif, et bientôt, par mutation théologique, l’équivalent de l’ataraxie grecque ou du paradis génétique, alors que la mort n’est ni ceci ni cela, elle n’est pas sensée, elle est — positivement — rien. Ce que les technocapitalistes d’ailleurs répètent à l’envi, du moins lorsqu’il s’agit d’engranger des investissements pour dépasser le rien.
Spécialisation
Le savoir général, de moins en moins transmissible. Condamné par la société. Antisocial. Non-finalisé. Il colonise le système neuronal sans le vectoriser. Que peut-on bien faire de connaissances traitant des “ports phéniciens d’Orient”, des “puits miniers de Cornouailles” ou de la “physiognomonie”?
Habiter
Le problème de l’homme occidental n’est pas le progrès (la série des innovations scientifiques et techniques seraient plutôt sa réussite), mais bien la projection; le dos tourné au passé, il fixe l’avenir, incapable d’habiter le temps et l’espace donnés, irrémédiablement en retard sur lui-même.
Fungus 5
De retour au vestiaire après les combats de kickboxing, Federico, dix-huit ans, me dit: “à l’Université, je me spécialiserai dans la psycho-oncologie”.
-Comme je cherche à savoir si j’ai bien compris, il précise:
-Oui, le cul. Enfin, le cancer du cul, son environnement psychologique.
A quoi j’aurais pu rétorquer:
-Je suis candidat.