De quels sujets omettons-nous de parler dans un journal? De ceux qui ont été désagréables? Au contraire, les confesser aide. De ceux qui gênent autrui ou les fâchent? Mais comment savoir? Comment faisait Gide? Ou Anaïs Nin? Qui exposaient l’un son homosexualité (qu’apprend sa cousine devenue sa femme Madeleine), l’autre son adultère et sa psychanalyse? Et Léautaud? Comment faisait-il? Il faisait. Et l’entourage se fâchait. Vouait le chroniqueur du Mercure aux gémonies. Lequel renchérissait. Autre cas de légende, Jules Renard. Il est drôle, mais féroce et sans pitié. Il dîne avec un confrère, retour en chambre il le pourfend. Vrai que parvenu à un certain point, la solution est de dire sans ambages. Cependant, je me méfie. Peut-être devrais-je ajouter “encore”, preuve que je ne suis pas vieux tout à fait. Qu’un tel, pour ce Journal si peu couru des lecteurs m’ait menacé de prendre avocat, je m’en balance, il s’agissait d’un homme à qui je vouais une amitié circonstancielle; c’était d’ailleurs plus une afféterie de sa part qu’un agacement provoqué par une révélation. Là où le bât blesse c’est lorsqu’il s’agit de rapporter des situations vécues dont d’autres, pour notre bien, pour le leur, doivent tout ignorer, mais aussi, la complication venant avec le temps, on finit alors par taire l’essentiel de ce qui fait la vie étant entendu que les moments importants font le plus souvent nœud.
Mois : février 2022
Italie
Interdire aux gens de travailler, c’est l’idée d’un dément. Surtout quand elle émane du technocrate Draghi, un dément qui n’a jamais travaillé. Banquier il volait les gens, premier ministre il leur interdit de travailler! Il y a autre chose: jusqu’à l’installation de ce fou au pouvoir ces gens passibles d’interdiction de travail ont travaillé, ils ont donc cotisé. Sauf à les payer pour ne rien faire, il faut en conséquence leur rendre jusqu’au dernier centime de leurs cotisations et de leurs impôts. Oui, les impôts puisqu’aussi bien ils sont désormais exclus de la société. Ce qui leur permettra de recommencer à travailler, pour eux-mêmes, sans plus aucun devoir envers la société.
Expérience 4
Sans alcool — euphorie, fatigue et euphorie et à nouveau fatigue. Saoul, on est sans cesse en retard ou en avance, jamais à la bonne vitesse, jamais dans le peloton. Cela exige beaucoup d’énergie. Il faut ralentir pour retrouver les autres ou accélérer pour les rejoindre. Dans son état normal, l’individu est au diapason du temps social. Ne l’en soustraient que les émotions, le plus souvent encadrées ou déclenchées sur demande. Il suffit de se laisser aller pour être emporté. Ce qui permet de faire l’économie de la direction L’ivrogne, lui, est assailli de questions, à commencer par celle-ci: “que font-ils tous?”
Procès
Cinquième fois que je suis déféré devant un tribunal. Ce n’est pas drôle. D’abord parce que les moyens qui vous ont été donnés au cours de la vie tombent. Ils sont dans les mains des professionnels. Vous êtes dans les mains des professionnels. Qui n’ont vraisemblablement pas le quart de vos moyens. La régression est instantanée: vous voici enfant. Bien entendu, vous avez le droit de vous défendre. Et même le devoir, quitte à se taire (le silence est une défense). Des hommes en redingote et des femmes, ici en Espagne surtout des femmes, vous obligent alors à parler dans leur langue qui est un langage. Les faibles en parole ne passent pas l’obstacle (mécanique fatale des classes sociales) ce qui arrange la cour: elle fait dire ce qu’elle veut aux faibles. Dont je ne fais à l’évidence pas partie, d’où mon anxiété. Car le fort en gueule et en lexique doit se méfier, les parades sont admises du seul côté des professionnels. Eux ont le droit universel de se montrer, de faire cour. Raison pour laquelle, sur le fond, je comparais une fois de plus: confronté à un problème, je n’appelle jamais la police, je règle seul. C’est pourquoi, au-delà de la petite dialectique tirée des modes d’emploi avec argumentaire, demi-preuves et attendus, ces professionnels me font la morale: “la justice existe, la police existe, l’Etat existe, vous devez leur faire confiance Monsieur!”.
Bras 4
Toujours là, avec sa douleur. Apparaissant, disparaissant, lancinante. Si je n’en vois pas la fin, les médecins eux n’en voient pas le début. Sorti de l’urgence qui consistait à panser et attendre, ils sont perplexes. Il y a quelques jours, j’ai à nouveau conduit 1200 kilomètres. Cette fois avec précaution, le bras tantôt en hauteur sur le bord de la portière, tantôt relâché sur la cuisse. Conséquence, aucune. Ni bien ni mal. La douleur vient et repart. A Rincón en décembre, l’aimable physiothérapeute conseille de reprendre les séries quotidiennes de pompes. Elle ajoute : progressivement. Conseil qui me réjouit mais dont je ne fais pas cas — il est prématuré. Dans le Jura, il y quinze jours, j’ai repris. Est-ce que cela augmente la douleur? A peine. La réduit? Non.