Est 16

Autoroute pour Skop­je. A 10 kilo­mètres, arrêt au péage. Du fond de la cab­ine, un humain tend la main. Il encaisse 0,50 cen­times d’Eu­ro, me remet un tick­et long comme un ruban d’an­niver­saire. Dix kilo­mètres, plus loin, nou­veau péage: même prix, même tick­et. Pour la vitesse, dif­fi­cile de savoir. Les pan­neaux sont jetés au hasard le long de la voie: 40 km/h, 100 km/h, 80 km/h. J’ai vu un pan­neau plus petit qui indi­quait 10km/h. Voilà un autre péage. Plus cher celui-là: 1 Euro. Je dépose dans la main deux pièces de 0,50 cen­times d’Eu­ro, l’hu­main qui occupe la cab­ine me les retourne, il n’ac­cepte que les pièces de 1 Euro. Main­tenant l’au­toroute descend en direc­tion de la cap­i­tale. Les auto­mo­bilistes pren­nent de la vitesse. Il n’y a plus de pan­neaux de lim­i­ta­tion. Des marchands de pommes se tien­nent sur les bor­ds de la voie, à l’in­térieur de la glis­sière. Lorsque qu’un auto­mo­biliste se met en tête d’a­cheter des pommes, il s’ar­rête brusque­ment, il sort de la voiture sans regarder der­rière lui. Dernier péage et com­men­cent les ban­lieues de Skop­je. A chaque sys­tème de feux, des ban­des de gitans arpen­tent les colonnes de voitures. Les mères mon­trent les nour­ris­sons, les goss­es toquent aux vit­res, les ado­les­cents agi­tent des éponges, deman­dent à net­toy­er le pare-brise. Nous atteignons le “Kender” — le cen­tre — par le “pazar” — le bazar. Le GPS de la Dodge indique “vous êtes arrivés à des­ti­na­tion”. L’or­dre est de “tournez à gauche”. Sauf que je ne vois pas de rue. Raté. Demi-tour, et je passe plus lente­ment. “Enfin, dis-je à Evola, tu vois bien qu’il n’y a pas de rue!”. Et nous nous per­dons en vielle ville. Les ruelles sont plus étroite que le capot de la Dodge. A moins que nous ne soyons dans uns habi­ta­tion privée, un salon, un couloir, que sais-je? En tout cas, les ménagères font la vais­selle au sol, les hommes fument à pieds nus sur les porch­es, les chiens dor­ment. Excédé, je pénètre dans le jardin d’une mosquée, je tourne sur la pelouse. Errance, dif­fi­cultés, obsta­cles, le tout dur­era plus d’une heure. Il fait trente-cinq degrés. Evola tente de se ren­seign­er auprès des chauf­feurs de taxi, perd ses lunettes, dis­paraît. Je me ren­seigne à mon tour. Per­son­ne ne sait où se trou­ve l’Hô­tel Pre­mi­um, tout le monde est char­mant. A la fin il se trou­ve que la rue qui n’é­tai pas une rue est une rue. Que l’on me com­prenne: il s’ag­it d’un pas­sage sous immeu­ble, der­rière un stand de lacets de chaus­sures. Le pas­sage est flan­qué de deux per­rons et de bar­rières dorées, un coif­feur troglodyte rase les messieurs et cette fausse rue donne sur un ter­rain vague qui sert de dépo­toir. Là le maître des lieux, un Albanais au vis­age vérolé lit mes plaques et me fait signe de baiss­er la vit­re. Il récite: “Gene­va? Petit-Lan­cy. Grand-Lan­cy, Onex, Carouge…”, et me guide en riant vers un tas d’or­dures. L’hô­tel est der­rière un hôtel plus grand, l’Akra, ce pourquoi il est invis­i­ble. D’ailleurs, pré­cise le Gene­va: “il est non pos­si­ble par cette cour que je suis à moi.”