A la sortie de l’aéroport de Barcelone, recherche dans les monts de Girone d’un camping introuvable, à nouveau la route principale est coupée. Quand j’aboutis par une piste en forêt, réception et bar fermés, mais la propriétaire interrompt son repas, ouvre la barrière, me parle de son voyage à Budapest après que j’ai indiqué vivre en Hongrie. J’installe le van entre des troncs, je sors ma table et bois de la bière. De part et d’autre des couples à vélo, l’un polonais qu’accompagne un bull-dog, l’autre frère et sœur anglais qui part à la conquête des Pyrénées sans avoir tracé de vraie route (ce que je fais le lendemain pour eux, par mail, depuis la Côte-d’Azur).
Marella
Monpère bronzé, content, au volant de sa Mercedes noire dans les rues chaudes de Jesolo, première rue roulante, seconde passante, troisième sur mer. Sa femme donne la direction et indique le moment de bifurquer. Avec les clefs de la chambre d’hôtel le patron vous remet un coupon sur lequel est indiqué le numéro de votre chaise longue. La B16 se trouve à la seizième rangée, septième colonne du carré de l’hôtel Marella, l’un des cent cinquante six hôtels de cette section.
Barcelone-Venise
Perdu dans le quartier d’El Prat de Llobregat, à côté de l’aéroport de Barcelone. L’autoroute est coupée pour travaux, l’adresse du parking low cost n’existe pas, le parking n’existe pas, je vais trop loin, je me retrouve à Sitges. Sur le retour, accident avec intervention des pompiers, l’autoroute est coupée. Le temps presse, impossible de trouver le parking. Je renonce. Je me dirige vers le parking officiel du Terminal en grillant les feux, en roulant sur un sens interdit. Je gare au fond, loin des portes du Terminal. Si ça continue je vais manquer l’avion. Les moniteurs du Terminal m’informent qu’il est déjà parti, Venice: 15h25. Pourtant, j’ai vérifié l’heure. Quand je veux re-vérifier, je m’aperçois que j’ai oublié la carte d’embarquement dans le van. Retour au parking, rangée 16, la dernière. Non, mon vol est bien à 16h25, il y a deux vols sur le même créneau horaire.
Herbe
Sur le terrain que je fauche à la débroussailleuse. Travail de déhanchement, travail épuisant. Evola renonce à enfourcher, il rassemblera les coupes quand il fera moins chaud, il les brûlera. J’avance section par section, balançant la lame de droite de gauche, les serpents fuient, les ronces accrochent. A la pause, je m’immerge dans la rivière. A la tombée de la nuit, Evola cuit une côte de boeuf. Reste huit mille mètres à faucher.
Course
Départ de la course l’Isolé quatrième édition donné à 7 heures, je fais la voiture balai sur la version longue soit 170 kilomètres pour 4000 mètres de dénivelé positif. Nous passons le col du Somport. Première surprise, alors que la journée était au soleil en Espagne, le haut Béarn est noyé dans les brouillards. Dans la vallée d’Aspe, je monte le premier ravitaillement: quart d’oranges, morceaux de bananes, cake au citron et sucres de raisin. Le paysan qui m’accompagne a rendez-vous avec Emilio, un natif d’Agrabuey qui a émigré côté français. Tandis que je remplis les bidons des coureurs, Emilio me parle de Simenon. Il cite une anecdote de la vie de l’écrivain, j’en cite une autre. Le dernier coureur lancé à l’assaut du col de l’Abbays, Emilio m’amène dans le galetas de sa maison, il ouvre une armoire, elle contient deux cent livres : l’œuvre de Simenon et des biographies ainsi qu’une partie des volumes des Editions Rencontres qu’à l’instant il disait ignorer. Mais nous ne pouvons rester boire le café, le coureurs sont en route, je dois rester derrière eux et le moment venu doubler pour préparer le troisième ravitaillement, en haut de la montagne, juste avant la descente du versant navarrais. Cette organisation devait corriger les erreurs de l’an dernier, le manque d’eau dès la seconde ascension (cette fois encore on ne m’a préparé que 50 litres alors qu’il en faudrait 5 fois plus, j’ai complété avec les jerrycans du van.) Or au deuxième ravitaillement, personne. J’appelle le directeur de course. Pas de réponse. Le peloton est toujours aux prise avec le col, mais il ne va pas tarder. Quand aux coureurs de tête, ils ont plusieurs kilomètres d’avance, ils ont besoin du ravitaillement au sommet comme le peloton a besoin du ravitaillement ici, à mi-distance. Je rappelle. Rien. Nous sommes en zone blanche. Je branche mon internet hongrois et satellitaire. J’ai une communication: un accident sur l’autre course, le directeur parlemente avec la garde civile, l’hélicoptère est attendu. Je dépose des bombonnes d’eau pour le peloton, nous grimpons à toute vitesse vers la frontière pour assurer le ravitaillement du col de al Pierre-Saint-Martin. Quand nous l’atteignons, les premiers sont passés, ils avaient fourré leurs vêtements chauds dans notre coffre de voiture. Le peloton arrive. Il reçoit ses tranches de cake, ses morceaux de banane, puis nous plions la table et repartons. Tout l’après-midi à ravitailler en eau les coureurs isolés et assister les retardataires de l’autre course, moins aguerris, souffrants, certains âgés, mal préparés — il fait 27 degrés. Neuf heures plus tard nous sommes de retour à Agrabuey, le groupe vainqueur de la version longue a franchi la ligne en moins de sept heures.
Balai
Comme l’an dernier, balayé la route du col pour faciliter le passage la semaine prochaine des cyclistes en compétition. Le travail est harassant. Ce n’est pas de la poussière qui est balayée, mais de la pierraille, des gravats, du sable. Sur trois kilomètres. Munis de balais forts et carrés, nous gravissons jusqu’au sommet, redescendons dans la vallée. Labeur d’une matinée. Une machine à rouleau nous précède: cela ne suffit pas. Cette route semble avoir essuyé un bombardement. Quatre ans que je la fréquente, elle ne cesse de se détériorer. Nous peignons les nids de poule afin d’éviter que les futurs concurrents n’y tombent. Pourquoi ne réparent-ils pas la route? Parce que la capitale punit le maire du village voisin pour l’avoir empruntée en camion avant qu’elle ne sèche et d’avoir ainsi annulée le travail des cantonniers dépêchés par l’administration. En attendant, Liegos et l’homme de corvée que je suis balayons. Puis le soir une pluie torrentielle s’abat sur la contrée, une pluie de douze heures, et voilà pour l’utilité du travail.