Mois : janvier 2021

Process

 Les meilleurs can­di­dats, sachant qu’ils seraient recalés, firent d’emblée éta­lage de leur médiocrité.

Muzak

Acheté hier des machines à musique sur inter­net. Exacte­ment 40 ans après le pre­mier tire que nous avions enreg­istré sur un cas­sette BASF avec Mon­frère dans la soupente du chemin des Fleurettes numéro 1, ville de Lau­sanne, réglant une boîte à rythme sur le  pro­gramme de démon­stra­tion, brisant de l’autre main à coups de marteau des bouteilles de Cardinal.

Et…

 ..tu écoutes quoi en ce moment? “9999999999- XXXX2XXXX — [NTNX01]  — c’est vrai­ment ce que j’écoute.

Agrabuey

Tout le jour avec le maire qui bâtit sur le toit une nou­velle chem­inée-champignon afin d’é­vac­uer le feu du poêle que je pose chez Luv. Sim­ple comme je suis, je trou­ve un poêle sur cat­a­logue à trois cent euros, appelle le maire, l’in­ter­roge. Fais­able? Au sous-sol? “Oui, bien sûr. Quant tu veux! “. Voici qua­tre jours qu’il tra­vaille sur le tubage, l’iso­la­tion, les pier­res de gar­ni­ture. Il est sur le toit. Je lui passe des casseroles d’eau bouil­lante pour étein­dre la neige, place sur le pavé Soljénit­syne et Axionov afin d’asseoir l’échelle géante qu’il grav­it. Et patiente des heures, écoutant Métal box de PIL, Dono­van et Risk. Quand il annonce enfin que ce sera tout pour aujour­d’hui, je récure, enfourne trois bûch­es, mets à cuire la recette du soir, un poulet au gin­gem­bre et reprend l’écri­t­ure de mon livre d’an­tic­i­pa­tion (j’en suis au début de la révolte, guidant mon per­son­nage Ver­non à tra­vers Ba’al). 

Fuck

Effet levi­er, nous avons refait dans nos villes d’Eu­rope les Etats-Unis: badauds, fous, mis­éreux, autant de vic­times san­i­taires égarées dans un décor de stu­dio hol­ly­woo­d­i­en après tournage.

Picaresque (fin)

Ter­miné dans les meilleures dis­po­si­tions La Table. Du début à la fin, con­tent de mon tra­vail d’écri­t­ure. Cela, sans peine. Et, con­traire­ment à l’habi­tude, je n’y pen­sais plus lorsque je ces­sais d’écrire. Nerfs au repos, nuits calmes. Après ça, con­va­in­cu de ne rien faire, j’ai aus­sitôt entamé un autre roman, d’an­tic­i­pa­tion celui-ci, comme m’y engageait par télé­phone Mon­a­mi qui citait pour en faire l’éloge la pre­mière nou­velle de Sin­is­to­ria, un recueil de 2008. En soirée, mes­sage des édi­tions P.O.L. Ils refusent Paléodé­mas­sifi­ca­teur. Par les temps qui courent, je me dis: ils ont accusé récep­tion du man­u­scrit, déjà ça. 

Agrabuey

Cassé de la glace pen­dant deux heures sur le pavé de notre rue afin que le foresti­er puise livr­er deux tonnes de bûch­es. Par télé­phone, il annonce que son réser­voir de diesel est glacé, qu’il renonce. Je descends aux abor­ds de la ville. Sur l’aire de park­ing de l’hy­per­marché — un Car­refour — une ving­taine de voitures. Réflexe: “tiens, je ne suis pas seul!”. De fait, nous sommes cinq dans les cour­sives. Car les voitures sont celles des employés. A dix-sept heurs, appel du foresti­er: il a démar­ré le camion. Une demi-heure plus tard, il bal­ance le bois sur la chaussée. Toute la rue s’assem­ble, nous livrons les maisons. Je jette le sapin de Noël dans la riv­ière, décroche une sta­lac­tite de la grange de Montsé, la dresse sur mon rebord de fenêtre. La nuit dernière, prob­lème de cœur: il accélère, il ralen­tit, mes tem­pes bat­tent. Je ne suis pas médecin, n’y com­prends rien. Inqui­et, je demande à Gala (par mes­sages) ce qu’il faut en penser, pré­cisant que j’ai des coquards sous les yeux. Réponse: “tu as tou­jours eu”. Pas faux. Demain matin, nous organ­isons un gym­nase dans la salle munic­i­pale. Pein­ture et répar­ti­tion des espaces. Le jeune qui s’oc­cupe de cette tâche me con­fie : “per­son­ne n ‘y vien­dra, à part toi…”

France

D’une époque où pré­valait le bon sens. Dans Les Mémoires de Mai­gret, Simenon écrit: “J’oc­cu­pais pro­vi­soire­ment à l’en­tresol, un ancien bureau du plus vieux style admin­is­tratif, pous­siéreux à souhait, avec des meubles en bois noir et un poêle à char­bon du mod­èle qu’on voit encore dans cer­taines gares de province.”

E‑nouvel-an

Set d’Amélie Lens le 31 décem­bre en direct du Kom­pass Klub de Ghent en Bel­gique: excel­lent! Encore mieux que la paru­tion Live devant l’Atomi­um, mais… dans un club fer­mé, avec relais via inter­net (Google, You Tube) pour les fans. Ceux-ci, du monde entier. En témoignent les com­men­taires sur le chat, écrits dans les langues de la planète. Excel­lent, donc cat­a­strophique: ini­ti­a­tion pro­gram­ma­tique des fans, dont je suis, à la sueur, au défoule­ment, la drogue, le plaisir, la ren­con­tre, la trans­gres­sion en ligne — équiv­a­lent à une dès-human­i­sa­tion. Fin des corps. Sépa­ra­tion. Fron­tières numériques comme il y a en tech­no, entre les sons, des silences-machine. Non-foule. Anti-rave 1990. Abo­li­tion de la Trance, de la psy-Goa, du break­beat, de la Jun­gle pro­fonde… Vic­toire du mes­sage à dis­tance. Du “gap”. Parousie indus­trielle: retour à l’ère des glacia­tions. Canal. Con­trôlé par l’ingénierie.

Manger

Il y a au vil­lage deux filles de dix ans. Elles sont grandes amies. L’une est ronde comme un bal­lon de plage. Sans cesse, elle mâche. Ces jours, elle a un nou­veau sys­tème, elle abaisse son masque hygiénique et, à la façon d’une man­geoire, le rem­plit de nour­ri­t­ure. L’autre gamine est fluette; même au goûter, elle ne touche à rien. Ses par­ents dés­espèrent. Le soir de nou­v­el-an, alors que les adultes se régalaient de saumon, de jam­bon et de côtes de bœuf, elle n’a grig­noté qu’une demi-patate.