Maître des statistiques, le gouvernement (tous les gouvernements) décrète la loi et enferme les corps. Pendant ce temps, il balaie l’ancien monde, installe son décor totalitaire. Lorsque l’on nous laissera ressortir, nous ne reconnaîtrons rien. Les plus enragés s’efforceront de cultiver les dernières traces, en eux, d’un occident de savoir-vivre et de raison.
Mois : janvier 2021
L’Autrichien
Le diabolique Klaus Schwab qui vient de déplacer son Forum Economique Mondial de Davos à Singapour après avoir promu pendant trente ans du haut de nos montagnes, protégé par l’armée de milice et les vendeurs de coucous grisons, l’idéologie nihiliste, met à l’honneur dans son fief renouvelé Xi Jinping.
Ecriture
Fini cet après-midi le roman d’anticipation. Très peu anticipateur. Le temps qu’il soit publié, il sera dépassé. Dix jours d’un travail d’écriture intense et tranquille. Ces derniers jours, au jardin, au soleil, les pieds dans la neige. Un peu halluciné tout de même: dernière phrase et date griffonnés dans le quatrième cahier, je sors de la maison les lunettes de vue remontées sur le front. Le voisin guide et sa femme sont dans la rue, et leur enfant, dans le landau. Je me frotte les yeux. “Alejandro, tu dormais?”. Que non, j’écrivais. Depuis le réveil. La femme, “tu es sûr?”. Ce qui dit assez ma tête. Le décor mental était si solide (une avenue, des immeubles blancs, deux carrefours, une garderie d’enfants expérimentale), que je peine à rejoindre le réel. Comme pour le café, celui que je coule chaque matin en nourrissant d’eau et de grain la machine. Quand je réfléchis à la quantité d’eau utile pour six tasses, je me trompe, j’en mets trop ou trop peu. Lorsque je suis chloroformé, perdu, ensommeillé, je place le pot de verre sous le robinet, l’ouvre et le ferme sans y penser, le compte est bon. Pour le texte, quelques deux cent pages manuscrites, même phénomène: pas réfléchi. Fait que décrire ce que je voyais. Et maintenant? Dans cette société qu’écrase l’Etat? Il faut s’en aller. Mais où? Voilà le problème: il n’y a plus nulle part. Les espaces sont détruits, les corps enfermés. Avant privatisation.
Anticipation
Lunettes devant les yeux, sur une chaise en pleine neige, face au soleil, j’écris dans un cahier chinois le roman d’anticipation et je m’amuse. Un moment, je rejoins les voisins qui pellent la glace de notre rue pavée qui enfin, après trois semaines de températures intenses — jusqu’à moins 15 en matinée, peut être attaquée à la pioche. Et retourne à mon cahier pour décrire le défilé le long de l’avenue de l’Union Européenne Economique du président chauve, un acteur qui imite le vrai président. Vernon, noyé dans la foule, s’apprête à commettre la “perturbation”.
Bêtes
Sur les hauts d’Agrabuey, moutons ensevelis par une avalanche. Le pasteur les tire par les pieds, les moutons se débattent dans l’air, ébrouent les glaçons de neige. On croirait des nouveaux-nés. Noyé dans les épaisseurs, un plus petit a succombé. Le fils: “papa, il ne bouge plus!”. Le père: “sors le!”