Mois : juin 2020

Denett

Un arti­cle de prospec­tive économique paru ce jour dont par hasard je prends con­nais­sance (“Ils ont voulu sauver le monde, ils le dyna­mi­tent — Bruno Bertez) met en illus­tra­tion de son pro­pos une remar­que qu’il prête à Daniel Denett: “Il n’y a sim­ple­ment aucune façon polie de dire aux gens qu’ils ont con­sacré leur vie à une illu­sion.” Cela m’a­muse beau­coup, car dans H+, je dis de Denett, ce pos­i­tiviste améri­cain dont j’ad­mire par ailleurs la per­spi­cac­ité philosophique, qu’ayant con­sacré sa car­rière à une cer­ti­tude qu’il n’a jamais pu fonder, il est nor­mal qu’il devi­enne en fin de vie, sauf à s’avouer dupe, idéologue.

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Ma fille Luv a fêté aujour­d’hui son anniver­saire des dix-neuf ans. S’il fal­lait mesur­er le temps qui passe, je répéterais ce que j’ai dit hier, alors que j’ac­com­pa­g­nais Gala à Genève chez son médecin spé­cial­iste en réé­d­u­ca­tion: “existe-t-il dans les pays non-bar­bares ville plus démoral­isante que Genève?”. Inter­loqué, je con­sid­érais les pas­sants, cher­chant com­ment ils pou­vaient, à l’an­née je sup­pose, vivre dans cet état, ces cir­con­stances, ce déni (il est vrai que la plu­part sont issus des poubelles du monde). Mais ce qui mesure la rup­ture entre ce que je deviens — voir pour la déf­i­ni­tion de car­ac­tère la sen­tence précé­dente — et ce qu’est, en ce jour d’an­niver­saire, ma fille de dix-neuf ans, rien ne me paraît plus sig­ni­fi­catif que de men­tion­ner que celle-ci ne con­sid­ère, j’en prends le pari, pas le temps qui passe, ignore même qu’il passe, et donc ne voit pas ce qui est, le monde, comme pou­vant être autre qu’il est, un monde autre.

Mouvement 31

Jours de diva­ga­tion voués à la lenteur. Je ron­flais, Gala n’a pas dor­mi. Au réveil, il est tard, je surviens seul dans le salon. Gala, qui dans le cours de la nuit plusieurs fois m’a rabroué ratrappe le som­meil per­du et con­tin­ue de tutoy­er le noir. A cette heure pronon­cée, ont déjà fait l’as­cen­sion de notre mon­tagne dix-huit funic­u­laires — il est passé midi. Bue la pre­mière tasse de café, le télé­phone sonne, je tra­vaille par la dis­cus­sion à relever l’en­tre­prise, sauver le revenu des ouvri­ers, glân­er s’il est pos­si­ble quelques francs pour com­plèter le généreux salaire de zéro franc que m’al­loue l’E­tat pour com­pen­saer 12 ans de verse­ments des coti­sa­tions sociales. Ensuite, con­tent de quit­ter l’e­space et le temps partagés, je me plonge une fois de plus dans les cor­rec­tions de Notr Pays, bien­tôt inter­rompu par l’a­gent de presse de l’édi­teur parisien qui me pro­pose une inter­view en ligne avec un mag­a­zine branché. Ren­dez-vous pris (en ligne), je sors, gagne mon esplanade aux Chi­nois, com­mence mes sin­geries sportives; hélas un nuage stoppe au-dessus de ma tête, s’ou­vre, il pleut. Je per­sévère, finis le cœur en chamade, m’es­suie, me cou­vre et ren­tre dans l’im­meu­ble Sir­ius. Alors m’ap­pelle Mon­a­mi. Mar­di, le ton pressé, il m’en­joignait de licenci­er tous les employés red­outant que j’aie à hon­or­er la fail­lite et les futurs licen­ciements sur ma for­tune — je le ras­sure, for­tune, je n’ai pas. Ce matin, il me par­le de TM, mon livre précé­dent: “Bien, très bien, on est avec le per­son­nage, on sent qu’il a vécu, j’ai aimé, tu en as d’autres comme ça?” Et ajoute: “si je n’avais pas lu ton bouquin aupar­a­vant, c’est que la cou­ver­ture est une hor­reur. Sérieuse­ment, qui voudrait pren­dre en main pareil truc?”. Sat­is­fait de l’en­ten­dre dire, quelque peu agacé aus­si (rien à voir avec l’in­ter­locu­teur, en ce moment par­ler au télé­phone m’in­sup­porte), je dis au revoir, je boucle. Descends au vil­lage, achète dans les mag­a­sins du duo­p­o­le de l’émincé de poulet pour le cur­ry malais du soir et du bour­gogne épais car ces jours nous biberon­nons, et un pain chré­tien. Puis, selon l’habi­tude, façon monacale, je me place en face de l’écran de mon portable et plonge dans un excel­lent com­bat de MMA de la ligue UFC, moment inscrit sous le signe de la médi­ta­tion, je veux dire de l’ou­bli du monde, en passe de se réduire à grande vitesse et médiocre­ment — honte à nous — à la société.

Partition

Toute per­son­ne raisonnable­ment douée avait com­pris qu’ils impor­taient sur nos ter­ri­toires les éner­gumènes du tiers-monde afin de déclencher une guerre civile et pré­par­er, après chaos, la régence. Guerre déclarée. Que nos jeunes relaient à par­tir de mots d’or­dre fab­riqués en lab­o­ra­toire. Je me félic­ité d’avoir à mourir bien­tôt. Eux le paieront par le cyberem­pris­on­n­ment. Mais enfin, ils aiment la lib­erté d’u­sine, en jouis­sent, la flat­tent. Bref, avec les anti-démoc­rates, je suis hélas for­cé d’ad­met­tre ce jour, face aux mou­ve­ment orchestrés des rues améri­caines, demain européennes, que la démoc­ra­tie est un échec.

Merde sociale

Au pays de France, gilets jaunes plom­bés, matraqués, énu­cléés. Au pays de Suisse, prim­i­tifs musul­mans coop­tés au statut de citoyens par la ver­tu du don de passe­port dont les plus émi­nents, cou­verts pour vio­lences sex­uelles envers nos nubiles par un habile tra­vail d’escamo­tage de l’E­tat. Dernières manoeu­vres en date dans ce domaine de l’ob­scur, l’E­tat de Genève et son chef de l’é­d­u­ca­tion (une femme). Trop longue la liste d’ailleurs, pas mon tra­vail, sinon de soutenir le dégoût absolu des gens de bien face à la démi­si­son ordurière… Mais ce n’est pas ce que je voulais ici établir au présent — je me suis lais­sé emporté par mon peu de goût pour la pente générale de notre société et sa veu­lerie de salon. Ceci donc : après la lev­ée de l’E­tat d’ur­gence, courageux Muni­chois, Berli­nois ou Bernois (gauchistes, droitistes con­fon­dus) con­tre la vac­ci­na­tion total­i­taire, la suror­gan­i­sa­tion du corps et le traçage intrusif. Prostes­ta­tions de rue aus­sitôt réprimées et dis­per­sées, puis évac­uées par les paniers à salade. Alors que ce jour, dans nos villes, agroupe­ment d’an­tiracistes — en par­tie le per­son­nel d’im­por­ta­tion qui milite pour son droit par­a­sitaire — au nom d’une mal­heureuse vic­time améri­caine de la bru­tal­ité poli­cière améri­caine — je pré­cise, je déteste la police. Et quoi, dirons-nous ? Vox guber­na­men­tal­is: “il est vrai, dix­it, qu’ils ne respectent pas, ‘hélas’, les dis­tances san­i­taires”. Réac­tion d’endigue­ment? Flics de bar­rage? Rien. Com­plai­sance. Sous les ordres, la force en uni­forme regarde défil­er. Même, elle salue le paci­fisme. Car la cause est bonne. CQFD. C’est à dire utile aux vam­pires mon­di­al­istes. Mes­sage des souter­rains aux dupes: “faux amis, traîtres véri­ta­bles, vous tous, esclaves de nos pays d’Oc­ci­dent, con­tin­uez de scan­der les mots d’or­dre de l’oli­garchie: à force de défendre de faux esclaves, nous finirons par pren­dre leur place !”

“Axis of Eden”

Solu­tion évi­dente, la guerre car elle est math­é­ma­tique. Alors qu’à l’év­i­dence, seuls quelques esprits déséquili­brés, férus de pou­voir, mènent à terme un plan cap­i­tal­iste de destruc­tion de notre planète d’hommes, dans une guerre, la moitié au moins de la pop­u­la­tion (le camp du Mal”, selon le rac­cour­ci oppor­tuniste) peut être tenu pour responsable.

Dialogue

Les plus exigeants par­lent à Dieu, parce que s’il répond, cela donne à penser.

Juin

Sous l’or­age, il pleut des pives.

Chat

Revu par hasard ce chat dont le com­porte­ment est étrange. Il était accom­pa­g­né de son maître. Et voici pourquoi, lorsque j’at­ti­rais l’at­ten­tion de l’an­i­mal, il s’ar­rê­ta pour me dévis­ager, ten­dit l’or­eille, n’ayant pas com­pris, se remit enfin en marche: son maître lui donne des ordres en bon français, qu’il accom­plit, plus ou moins (assis! debout! en arrière! en avant…!), mais tou­jours avec la volon­té de bien faire.

Estéthique mentale

Cet essai épatant de Sartre, L’Imag­i­naire, ne con­tient que des con­tre-vérités. L’in­ten­tion­nal­ité prise chez Husserl per­met de don­ner con­fig­u­ra­tion de sys­tème aux obser­va­tions (Sartre a‑t-il vrai­ment fait l’ex­péri­ence du regard intérieur, cela reste à voir) con­cer­nant les images men­tales, rétini­ennes, hyp­n­a­gogiques, pro­fondes. Mais cela n’a rien à voir avec un effet sec­ond de la volon­té. L’in­ver­sion cause-effet, où l’im­age est tou­jours l’ef­fet d’un vouloir-penser, alors même que nous croyons subir les effets de l’im­age, me sem­ble faux. Tou­jours est-il qu’il y a si peu de lit­téra­ture sur le sujet, que la théorie ne peut réelle­ment être démise: elle est pis-aller. Quand j’en aurai fini avec les qua­tre livres que j’ai en cours, je vais repren­dre ce sujet sur la base d’ex­péri­ences vécues (par moi). De fait, je ne sais pas s’il est pos­si­ble de décrire ce train d’im­ages qui se pro­duit une fois les yeux fer­més, dans cette phase exis­ten­tielle inter­mé­di­aire entre la veille et le som­meil. Cela, avant tout parce que le dou­ble posi­tion­nement exigé, obser­vant-observé, relève du para­doxe. Autrement dit, il faudrait con­sid­ér­er que le degré d’ex­péri­ence pos­si­ble est l’ex­péri­ence racon­tée, ce qui recon­duit le prob­lème typ­ique du rêve racon­té de la psy­ch­analyse. Quoiqu’il en soit, après passé trente ans d’un intérêt soutenu pour ce monde des mages intérieures, ma curiosité a été une fois de plus relancée hier, par le fait que je n’ai, au moins immé­di­ate­ment, trou­vé qu’une lit­téra­ture min­ime sur la “vision les yeux fer­més”, phénomène que je réus­sis régulièrement.