Mouvement 31

Jours de diva­ga­tion voués à la lenteur. Je ron­flais, Gala n’a pas dor­mi. Au réveil, il est tard, je surviens seul dans le salon. Gala, qui dans le cours de la nuit plusieurs fois m’a rabroué ratrappe le som­meil per­du et con­tin­ue de tutoy­er le noir. A cette heure pronon­cée, ont déjà fait l’as­cen­sion de notre mon­tagne dix-huit funic­u­laires — il est passé midi. Bue la pre­mière tasse de café, le télé­phone sonne, je tra­vaille par la dis­cus­sion à relever l’en­tre­prise, sauver le revenu des ouvri­ers, glân­er s’il est pos­si­ble quelques francs pour com­plèter le généreux salaire de zéro franc que m’al­loue l’E­tat pour com­pen­saer 12 ans de verse­ments des coti­sa­tions sociales. Ensuite, con­tent de quit­ter l’e­space et le temps partagés, je me plonge une fois de plus dans les cor­rec­tions de Notr Pays, bien­tôt inter­rompu par l’a­gent de presse de l’édi­teur parisien qui me pro­pose une inter­view en ligne avec un mag­a­zine branché. Ren­dez-vous pris (en ligne), je sors, gagne mon esplanade aux Chi­nois, com­mence mes sin­geries sportives; hélas un nuage stoppe au-dessus de ma tête, s’ou­vre, il pleut. Je per­sévère, finis le cœur en chamade, m’es­suie, me cou­vre et ren­tre dans l’im­meu­ble Sir­ius. Alors m’ap­pelle Mon­a­mi. Mar­di, le ton pressé, il m’en­joignait de licenci­er tous les employés red­outant que j’aie à hon­or­er la fail­lite et les futurs licen­ciements sur ma for­tune — je le ras­sure, for­tune, je n’ai pas. Ce matin, il me par­le de TM, mon livre précé­dent: “Bien, très bien, on est avec le per­son­nage, on sent qu’il a vécu, j’ai aimé, tu en as d’autres comme ça?” Et ajoute: “si je n’avais pas lu ton bouquin aupar­a­vant, c’est que la cou­ver­ture est une hor­reur. Sérieuse­ment, qui voudrait pren­dre en main pareil truc?”. Sat­is­fait de l’en­ten­dre dire, quelque peu agacé aus­si (rien à voir avec l’in­ter­locu­teur, en ce moment par­ler au télé­phone m’in­sup­porte), je dis au revoir, je boucle. Descends au vil­lage, achète dans les mag­a­sins du duo­p­o­le de l’émincé de poulet pour le cur­ry malais du soir et du bour­gogne épais car ces jours nous biberon­nons, et un pain chré­tien. Puis, selon l’habi­tude, façon monacale, je me place en face de l’écran de mon portable et plonge dans un excel­lent com­bat de MMA de la ligue UFC, moment inscrit sous le signe de la médi­ta­tion, je veux dire de l’ou­bli du monde, en passe de se réduire à grande vitesse et médiocre­ment — honte à nous — à la société.