Mois : mai 2020

Fruits secs

Adultes étiques de nos villes, ali­men­tés aux médica­ments, sous per­fu­sion économique, mal-sex­ués, repro­gram­més, avec le masque sur la bouche vos poumons masqués vont se réduire à une cacahouète.

Pèse-nerfs

La nuit venue, il remi­sait son ven­tre dans le buf­fet. Allongé sur le lit, il craig­nait alors de le retrou­ver alour­di. Avec ce poids sur la con­science il dor­mait de son mieux, c’est à dire mal.

Etat

Ne jamais accepter un cadeau de quelqu’un que l’on ne con­naît pas.

Faisselle

Installez une bar­rière dans le salon de Jean. Il ne demande pas si on peut sup­primer la bar­rière, il pro­pose de la déporter de quelques cen­timètres sur la gauche pour qu’il soit plus facile de circuler.

Fascisme 2

Retour des enfants petits dans les écoles pri­maires du pays de France: en rang, en ligne, à la Chi­noise, sans se touch­er, sans jouer, sans faire de faux pas, avec une maîtresse-gen­darme qui prévient, réprime, punit. Ecole des cadavres, dis­ait Céline.

Advention

Com­ment retrou­ver Dieu? S’op­pos­er aux humains excen­trés qui ne trou­vent leur logique expi­a­toire qu’en faisant main-basse sur les autres humains, dans le cer­cle étroit, famille, amis, com­mu­nauté ou dans le cer­cle large, pou­voir poli­tique, financier, stratégique, demande de réin­tro­duire, face au présent comme pro­lon­ga­tion quan­ti­ta­tive du présent, une promesse tran­scen­dante, un “Dieu” — un affole­ment de l’e­sprit qui nous pousse à faire du présent, un présent vivant et désir­able. Et je par­le, bien enten­du, d’un Dieu sans église. Pas d’une admin­is­tra­tion. Ni d’une exhi­bi­tion. Mais d’une foi hors-réseau. Authen­tique. D’une poésie. D’une écolo­gie du vivant et de l’ex­is­tant. Bref, d’une anar­chie. Ce qui pose le prob­lème du peu­ple, “de-notre-capac­ité”, au sens où le peu­ple est aujour­d’hui le point de départ de la déf­i­ni­tion de l’in­di­vidu banal alors que c’est l’in­di­vidu orig­i­nal qui devrait être le point de départ de la déf­i­ni­tion du peuple.

Phantom

Au juge respon­s­able du procès de l’in­cendie de l’u­sine Phan­tom de Bayeux, il expli­qua qu’il ne pou­vait plus allumer l’écran de son téléviseur car alors les ani­ma­teurs s’ar­rê­taient de par­ler pour le regarder lui.

Mouvement 25

Gala sort sur la mon­tange chaussée d’escarpins de cui­sine. J’ai mes chaus­sures de marche à tige mon­tante lorsque nous emprun­tons le chemin du  hameau de Hagne. Un cou­ple de ran­don­neurs sur­git. Pour me ren­seign­er sur le lieu-dit, je m’a­vance. Où se trou­ve le chalet que nous voulons vis­iter? Ils ne savent pas, ils s’in­quiè­tent pour Gala. Avec ces escarpins? Sur ce chemin? En une phrase et trois sourires, Gala obtient de leur emprunter des chaus­sures de marche. Elle annonce sa taille, prend ren­dez-vous, dit au revoir. Après quoi, elle suit sur deux cent mètres et retourne à la voiture (il reste trois kilo­mètres de laie forestière jusqu’au chalet). Le soir, de retour dans notre sta­tion, Gala obi­ent sa paire de chaus­sures auprès des ran­don­neurs. Le lende­main, elle fait: “Zut! Rita!”. Qui est-ce? “La dame que j’ai ren­con­trée l’autre jour, lors de ma prom­e­nade!”. Et? Celle-ci est allée chercher à Lau­sanne des chaus­sures pour Gala. En milieu d’après-midi, je demande: à quelle heure vois-tu cette Rita?. “Qua­tre heures…”. Mais enfin, je m’écrie, il est qua­tre heures sept et il pleut des cordes! Tu ne m’as pas dit qu’elle t’at­tendait dans la forêt ? “Les chaus­sures! Rita! Vite, vite, vite! Je me maquille et j’y vais!”. Fin de journée, voici Gala à la tête de deux paires de chaus­sures. Lun­di , comme nous allons une fois de plus en recon­nais­sance, je vois qu’elle porte des bot­tines de cuir qui lui appartiennent.

Batte

Le pre­mier qui aperçoit une robot reni­fleur dans nos rues appelle les autres, puis à l’aide d’une bat­te de base­ball ren­voie l’én­er­gumène mécanique au mag­a­sin des pièces détachées.

Mouvement 24

Fort brouil­lard. Les immeubles-chalets se dépla­cent à vue. A la fenêtre, sur un pré, trentes mou­tons, mâles et femmes, petits et adultes, bêlent. Pen­dant ma prom­e­nade, je par­le avec eux. Ces mou­tons ne méri­tent pas la répu­ta­tion qu’on leur fait: cha­cun a son ton de gorge, sa curiosité, son physique. Une fois quit­té de l’équa­tion l’a­bat­toir, ils me sem­blent bien plus dignes que ces “amis de l’homme”, fab­riqués en lab­o­ra­toire, dévelop­pés en apparte­ment, nour­ris aux poudres de pro­téine. Qui n’é­taient, à l’époque, la belle époque, avant la con­ner­ie générale, que “trente mil­lions”. Plus bas, accrochées à la pente, les vach­es écos­sais­es. Elles ruis­sel­lent. Est-ce la terre qui les retient? Et dans le choco­lat mou? Com­bi­en de temps sans déviss­er? Les pau­vres! Il faudrait mar­quer une pause, les met­tre au chaud. La péri­ode est idéale pour une expéri­ence d’étholo­gie. En temps de pandémie, per­son­ne n’y com­prenant goutte, la cré­dulité devient asymp­to­tique. Donc, chaque chien de récon­fort est échangé (“Ts, ts! Madame, nous ne nous basons que sur des critères sci­en­tifiques!”) con­tre une vache écossaise.