Mois : mars 2020

Art X

Ceux qui ont un peu d’am­bi­tion ont rai­son d’in­sis­ter. Surtout s’il veu­lent graver un sem­blant de présence au-delà de la mort. Qu’ils s’y emploient paraît jus­ti­fié; et même dans l’ef­fort le plus petit, s’im­mis­cer lorsque le pho­tographe cadre, boire un verre en com­pag­nie, per­suad­er un badaud ou retourn­er un indé­cis. Ils ont com­pris: le goût et la per­cep­tion esthé­tique n’ex­is­tent pas, tout est pre­scrip­tion, donc hasardeuse reconnaissance.

Voie

Meilleur recours con­tre la con­fis­ca­tion du monde, la poésie.

O

Autour du par­adis, la vitesse.

Clause du besoin

Un bour­geois n’a aucune résis­tance à la douleur. Il se croit du mérite et juge avoir assez souf­fert — en quoi il n’a pas tort. De ce fait, il cherche à admin­istr­er de bon droit une con­stante, sa sit­u­a­tion, en pro­grès — absolu et relatif — et bien enten­du, sans douleur. Ce pourquoi, aucune société ne peut se pass­er d’une bour­geoisie. Elle en con­stitue le point pivot.

Mème

Il n’y a pas de mod­èle sinon celui que tu devien­dras une fois admis ce principe.

Canon

A nos portes des men­di­ants hos­tiles, exigeant un droit que leur société jamais ne leur a accordé
- respon­s­abil­ité à laque­lle ils ont naturelle­ment part — et qu’ils n’ac­corderaient jamais à per­son­ne, per­suadés que le droit tel qu’il existe dans nos sociétés (le droit!) implique tolérance de la force, de l’é­goïsme et de la mendicité.

Poly

Ce délire idéologique, de faible ambi­tion, délire parce que idéologique, délire plus encore parce que con­fié aux algo­rithmes, délire d’une pop­u­la­tion améri­caine, affolée par le puri­tanisme, qui con­siste à éti­queter les titres de musique — sous pré­texte de pro­téger les âmes — qui amène à tax­er Explic­it la moin­dre parole rel­e­vant du droit d’ex­pres­sion, y com­pris et surtout si elle est ordurière, hos­tile, bête, la musique pop­u­laire ayant pour fonde­ment néces­saire, la bêtise, l’or­duri­er et le sans-remise, ce procédé qui nous vaut des aber­ra­tions telles que, par exem­ple, l’é­ti­quette Explic­it placée en regard de l’al­bum du Youan­de­wan, DJ mod­u­la­teur de plate­formes élec­tron­iques qui ne com­pose aucune paroles ni ne chante, mais a eu le mal­heur de nom­mer son mix Be Good To Me Poly.

19

Moment charnière de démon­di­al­i­sa­tion. Face à l’ur­gence réelle ou psy­chologique, cha­cun va trans­fér­er sa vie sur le réseau.

Nendaz

Enneigé, sus­pendu con­tre la val­lée du Rhône, le faux chalet ferme l’im­passe. La porte est sculp­tée “les Chamois”. L’ac­cès se fait par le carnotzet, les couloirs de tirs sont à côté. Il est tôt, il fait froid, les stores sont bais­sés. Hol­sters, cein­tures de charges, mag­a­sins, balles, nous pré­parons le matériel. L’in­struc­teur donne la théorie:
-Arrivez!
Midi moins trois, nous man­geons en veste, lard fumé, gen­darmes, café, cerve­las, puis par­tons en file indi­enne, claudi­quant, avec les armes, à flanc de mon­tagne, jusqu’aux cibles, trois cent mètres d’un sen­tier enfoui sous la neige. Sur place, la pre­mière mis­sion est de tass­er la poudreuse ; les autres ajus­tent les car­tons sur les cibles (A6 sur A4, corps et tête). Comme nous muni­tion­nons, j’en­taille le bout de mon doigt. Ce qui prou­ve que je ne sais plus muni­tion­ner, ai oublié mes rou­tines; de fait, au début des exer­ci­ces, je fais pâle fig­ure, touchant loin du coeur, arrachant las détente, forçant mon ren­gainage (plus tard — trois heures ont passé — je me rattrape).

Cuisine 2

-Avril… Mála­ga. Mai… Agrabuey. Comme ça, on y sera pour les journées ornithologiques.
-Tu iras toi!
-Non, cette année, je vais aux champignons.
-En tout cas, moi je dors, mais je serai là le soir, pour la danse… Pourquoi on par­le de ça?
-On dis­ait, mai, à Agrabuey. Sauf pour la remise du prix…
-C’est quand?
-Le 4.
-On fait un aller-retour. Réserve une cham­bre à Rive.
-Rive?
-C’est bien à Cologny la fon­da­tion? Les bus par­tent de Rive.
-Depuis Agrabuey, impos­si­ble. On doit pren­dre l’avion à Mála­ga.
-Oui, oui, tu as rai­son. On remon­tera après, en voiture.
-Alors, il faut pren­dre un hôtel à Rin­con, on aura plus l’ap­parte­ment.
-Pourquoi?
-La loca­tion finit le 30 avril.
-Et le soir, où on est à Genève?
-J’en prends deux. Deux hôtels. Un à Genève, un à Mala­ga. Près de la gare.
-Bon, comme tu veux. Ensuite, en juin? Si on allait à Munich?
-Com­bi­en de temps? Parce que moi, j’ai un sémi­naire de Krav Maga à Cuen­ca.
-Ton prob­lème. Tu iras.
-Mais pas de Munich.
-Et ensuite?
-Ensuite quoi?
-Après Munich.
-Kiev. Au moins, c’est dans la même direc­tion.
-Je vais m’en­nuy­er.
-Mais non.
-Tu crois?
-Deux mois, pas plus.
-En tout cas, le 28 août, je dois être à Mala­ga. Pour m’in­scrire à l’U­ni­ver­sité.
-Oui, oui.
-Oui Mon­sieur. C’est toi qui m’a fait rater l’in­scrip­tion la dernière fois!
-Quand?
-Mais je ne sais pas moi, la dernière fois.
-Ce qui veut dire qu’on retourne habiter à Mala­ga?
-C’est toi qui ne veut pas met­tre les pieds à Bor­deaux.
-Quoi Bor­deaux? Pas met­tre les pieds… en France!
-Alors, ne te plains pas!
-Encore faut-il trou­ver un apparte­ment!
-Ah ça, c’est ton prob­lème!
-Et le 26, on dort où?
-A Sète.
-Balaruc. Je vais réserv­er à Balaruc, chez Mar­tinez.
-La cham­bre avec le bal­con.
-Côté tortues?
-Mais évidem­ment côté tortues! Et demande lui s’il aura les huîtres!