Aujourd’hui encore, et malgré les déprédations, la beauté des sites de campagne dans les alentours de Florence donne un aperçu de la qualité de la vie que menaient avant la période des machines les gentilshommes, les paysans, mais aussi le peuple, ne serait-ce que par la richesse des terres qui, arrosées et ensoleillées, produisent en abondance fruits et légumes en même temps qu’elle offrent d’innombrables pacages sur berges. Habitué à l’Espagne, continent vide et brûlé, le contraste est complet. De toutes parts la vigne monte à l’assaut des collines et dans un même vallon on trouve du blé, des pommes, de l’herbe, des tomates et du poisson. De fait, circuler au milieu de cette nature morcelée et désormais construite est une gageure. La vue ne porte pas. Deviner est impossible. Les perspectives sont courtes, ravalées, les trous et lacunes constants, les habitations espiègles, organiques. Il s’agit d’épouser le paysage, de se laisser conduire. Qu’une telle harmonie du vivant et de la terre favorise le goût de la cuisine et l’esthétisme, il n’y a pas lieu de s’en étonner, mais alors, j’en viens une fois de plus à demander: comment se fait-il que l’Espagne n’amène pas à la philosophie? Peut-être que le sentiment de vide, dans sa brutalité, produit sur les esprits de la péninsule une sidération que seul le mysticisme peut surmonter?