Mois : décembre 2018

Assadissa

La télé­com­mande à la main, j’égrène les chaînes que pro­pose le téléviseur. Nou­velles en con­tinu, foot­ball, cul­ture du raisin, série colom­bi­enne, jeu avec pail­lettes côté espag­nol ; atter­ris­sage du robot de recherche sur la face froide la lune, dessin ani­mé syn­thé­tique, télé-réal­ité sur les camions de l’outback aus­tralien côté améri­cain ; et une dernière chaîne, musul­mane, Assadis­sa. L’exercice du jour, appren­dre à s’agenouiller. En habit blanc, coif­fé d’une calotte, à demi-bar­bu, un savant décom­pose le mou­ve­ment. Debout, plié, les genoux à terre. Il recom­mence. Puis, afin de faciliter la com­préhen­sion, l’écran est divisé en trois. Debout, en haut à gauche ; plié en bas à gauche et, le plus impor­tant, la posi­tion finale, en demi-écran : agenouillé. 

Pourboire

Luis sur­veil­lait les fins de repas. Au retour des employés, il se sai­sis­sait de la mon­naie de l’addition puis glis­sait le pour­boire dans la tire­lire com­mune. Aupar­a­vant, il le comp­tait. Dans ces moments, le plongeur obser­vait le patron. L’expression de son vis­age était fonc­tion de l’importance du pour­boire. Deux, pas de com­men­taires, vis­age impas­si­ble. Moins de deux, ric­tus. Au-dessous de 1,50, le patron fai­sait venir le per­son­nel en cuisine :

-Je vous écoute, que s’est-il passé ? 

Actes d’antimondialisation

Rôle pri­mor­dial des casseurs dans le dis­posi­tif de con­tes­ta­tion. Le pou­voir déploie sa rhé­torique pour dis­tinguer entre justes reven­di­ca­tions et casse gra­tu­ite. La pénal­i­sa­tion de cette dernière mon­tre en réal­ité que seul importe l’outil de pro­duc­tion de l’argent — c’est lui qui per­met la ponction.

Grand soleil

Brumes sur les collines rouges que la chaleur dis­perse en mat­inée. Je vais sur mon toit, avec les per­ro­quets. Dernier chapitre du livre com­mencé il y a dix jours, Paléodé­mas­sifi­ca­teur. Sur la Plaza May­or les ter­rass­es sont pleines, les vil­la­geois par­lent et chantent, les téléviseurs sont allumés, les goss­es tapent dans le bal­lon. Nous descen­dons les vélos par l’ascenseur, roulons quinze kilo­mètres sur la plage. Dans les tun­nels creusés à tra­vers la falaise (l’ancienne voie fer­rovi­aire de la cimenterie), il faut enlever les lunettes. Des chauve-souris s’affolent con­tre le roc bosselé. Les par­ents hissent les enfants. Près des Chirin­gui­tos, sur le sable, à bord de bar­ques de métal, le bois d’olivier se con­sume, les cuisiniers gril­lent sar­dines et poulpes. A 17 heures, nous atteignons Bena­gal­bón, garons les vélos sous le Deo (pour « doigt », en espag­nol « dedo », ici pronon­cé à l’Andalouse). La paellera est vide, les familles finis­sent de manger. Le garçon nous désigne une table au soleil. Il étend une nappe de papi­er, nous vante ses fri­t­ures de pois­son, apporte de la bière et des olives. 

Tête

-Et la tête, j’en fais quoi?
-Tu la mets sur les épaules.

Connaissances de l’IA.

Des cheveux côte à côte, ce qui ne fait pas une chevelure.

Chants

Hier, je courais. Course excel­lente. Rythme car­diaque impec­ca­ble. Une pre­mière depuis trente ans. Et tout le long de la plage, sur le quai, la pop­u­la­tion chan­tait. Un spec­ta­cle heureux et réjouis­sant. Je courais le sourire aux lèvres. D’abord ces enfants pour qui le restau­ra­teur avait dressé une longue, une belle table. Ils célébraient l’an­niver­saire d’une fille de trois ans en tutu rose. Puis des familles en cer­cle autour d’un gui­tariste, don­nant de la voix et du rire, et des castag­nettes. Plus loin, des fiancés que les témoins chantent. Et le long de la prom­e­nade, un cortège d’an­ciens le torse bom­bé qui reprend en chœur, à tue-tête, sur un rythme pro­duit au moyen d’un manche à bal­ai enfon­cé dans une poubelle de peau, les cou­plets du maître chanteur.

El Palo

Dans le quarti­er pop­u­laire El Palo, le mag­a­sin d’ap­pareils élec­tron­iques Ven­tu­ra elec­t­ri­ci­dad fait dis­tribuer dans les boîtes au let­tres son dépli­ant pub­lic­i­taire de Noël. En page de garde fig­ure un bil­let de la loterie nation­al, le no 66785, par­tic­i­pant au grand tirage de Noël, “jusqu’à 50 mil­lions en cagnotte”. Avec ce mes­sage: “si nous gagnons, tous les achats fait entre le 15 novem­bre et le 24 décem­bre vous seront remboursés!”.

Animalier

Fauves hos­tiles, dans un envi­ron­nement sauvage, por­tant clo­chette au cou.