Machine à spectre large qui capte la parole pour la réduire au silence.
Mois : mai 2018
Publication
Faute de moyens de publication, l’histoire a jusqu’ici permis d’occulter sans effort ce fait que le peuple n’est que le détenteur fictionnel du pouvoir; comble de l’absurde et preuve que la culture peut être naturalisée, malgré des moyens de publication multidirectionnels le peuple, marqué par l’atavisme, vole aujourd’hui au secours de son maquereau : il lui fait confiance.
Trois femmes
Il y a quelque dix ans, convaincu d’étendre nos territoires d’affichage, j’avais coutume de voyager en train, appareil photo en poche, pour explorer des zones blanches que les concurrents n’avaient pas encore incluses dans les partages de juridiction. Puisqu’aussi bien chaque mètre représentait un avantage financier, je débutais mes repérages en amont de la zone — ici Montreux — espérant glaner des géographies rémunératrices. C’est ainsi dans les parages de Sonzier — cette note raconte un rêve — que je débutais le travail, perdu au milieu de vignes du Lavaux (pourtant plus à l’ouest), forcé de marcher entre des murs de pierres labyrinthiques lesquels débouchaient sur une réunion de famille, deux enfants petits et leur maman sortis réparer une chien (patte cassée, me semble-t-il). Fidèle à ce que je suis (à l’état de veille les chiens ne m’intéressent pas), je passais outre, mais alors je me fourvoyais dans une impasse que limitait un tas de sable et j’étais aussitôt moqué par les gosses, leur mère et le chien. Survenait une jeune femme qui me proposait son aide.
-Je suis Gala.
-Amusant, lui disais-je, ma femme se prénomme Gala.
Ses autres qualités: des cheveux blonds coupés courts, trois langues sues et parlées (la mère de mes enfants à cette coupe, R. est trilingue).
-Viens, je t’emmène manger une pizza à la Rue Planck!
Main dans la main, nous courions à travers le vignoble pour atteindre les environs du Casino de Montreux (afficheur, lorsque je longeais ce bâtiment, j’avais la sensation d’être à l’extérieur du monde de la réussite), où cette jeune femme me poussait dans des rues à la mode à la station répétant, “Planck, la pizzeria Planck!”
-Je n’aime pas, protesté-je, c’est sans intérêt! De toute manière, on ne trouvera jamais!
Elle, pleine d’entregent, entrait dans les bars pour se renseigner. Campé sur le trottoir, tétanisé, j’assistais alors à des accidens de voiture voulus et provoqués par des gosses de riches conduisant de luxueuses décapotables. Déboulés de Caux et de Gryon, ils écrasaient des ouvriers déambulant sur les trottoirs. L’un de ces bolides fonçait sur moi. Je levais les jambes et volais, l’acrobatie m’épargnant toute blessure. La jeune fille sortait du bar et l’air de rien:
-Tu vas bien? J’ai trouvé le café Planck (du nom de l’institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste, situé à Leipzig, où travaille S., l’une des mes précédentes amies.) Allons manger!
Exacte
… qualification du caractère rabaissé, socialement perverti du Français: dans les montagnes, sur l’accès des Pyrénées, roule derrière moi un automobiliste de la Haute-Garonne. Arrive la section double conçue pour le dépassement des poids-lourds. Ma vitesse est au-dessus de la moyenne autorisée, je me tiens sur la piste centrale. Dans sa guimbarde, le suiveur prend le risque de dépasser par la droite côté précipice.
Tapis
Ce matin, après une semaine à réviser le bac, sensation de contentement à l’idée de nettoyer la maison; d’abord parce qu’agiter un balai ou frotter des plaques de cuisine permet de rêver et même, parfois, de penser; ensuite parce que ce labeur domestique marquait la fin de l’effort paternel lequel paternel va pouvoir se consacrer, dès dimanche, à la lecture. M’attendent huit ouvrages sur les rapports cerveau-machine — je m’en réjouis. Il suffit d’allumer le feu, chauffer le café et prendre position dans le canapé. Attendant le départ d’Aplo que je reconduis demain à Saragosse, nous avons battu sur la rivière le tapis persan que m’a prêté Monpère pour constater que sa surface phénoménale (il occupe les trois-quart du salon qui n’est d’ailleurs qu’une possibilité de salon puisque, si j’en crois mon voisin, la maison est en fait un ancien poulailler) nous a valu d’affronter des difficultés dignes de ces vidéos sur les puzzles abscons que regarde Arto; mais surtout, il a fallu sortir 346 manuscrits de toute genres et formats du vaisselier finlandais afin d’en soulever les pieds et glisser sous lui les marges du tapis
Mark
La comparution en avril dernier, devant le sénat américain, sous prétexte d’usage illicite de données, de Mark Zuckerberg, ce précurseur de l’abolition des différences, m’a aussitôt parue suspecte. Depuis hier, nous savons que ce spectacle retransmis dans le monde entier avait pur but de faire passer pour de la moralisation la censure infligée via le réseau social à tout contenu qui ne soutient pas les politiques mondialistes d’invasion de l’Occident par les hordes du tiers-monde (que les promoteurs du supranationalisme, mépris supérieur, ont inscrit aux côtés de deux autres types de censure prétendument du même acabit, la pornographie et l’apologie du terrorisme.
Polonais
A bord d’un voilier à la cale profonde, mon employé polonais de mèche avec les ouvriers du port me faisait entendre après avoir entrepris ces derniers qu’ils n’exécuteraient pas le chantier avant la fin de la semaine. Aussitôt, ils étaient sur le pont, de solides gaillards aux têtes mal dégrossies, et lorgnaient sur la machinerie :
-Il va falloir sertir de petites lumières dans le bois de la coque, expliquaient-ils, disons un millier pour commencer.
En même temps, je regardais par dessus le bastingage et j’apercevais, au milieu du lac, inondée, croulant, ma salle de bains et je soupirais, “après la coque, il y aura encore cela à réparer!”
-Alors patron? demandait le Polonais.
-Tout est devenu si compliqué dans ce monde! Vois-tu, ma seule réponse à toutes les questions est “buvons une bière!”.
Et au réveil, je songeais: c’est bien là mon sentiment, comment en est-on arrivé à compliquer pareillement les choses?