Il y a quelque dix ans, convaincu d’étendre nos territoires d’affichage, j’avais coutume de voyager en train, appareil photo en poche, pour explorer des zones blanches que les concurrents n’avaient pas encore incluses dans les partages de juridiction. Puisqu’aussi bien chaque mètre représentait un avantage financier, je débutais mes repérages en amont de la zone — ici Montreux — espérant glaner des géographies rémunératrices. C’est ainsi dans les parages de Sonzier — cette note raconte un rêve — que je débutais le travail, perdu au milieu de vignes du Lavaux (pourtant plus à l’ouest), forcé de marcher entre des murs de pierres labyrinthiques lesquels débouchaient sur une réunion de famille, deux enfants petits et leur maman sortis réparer une chien (patte cassée, me semble-t-il). Fidèle à ce que je suis (à l’état de veille les chiens ne m’intéressent pas), je passais outre, mais alors je me fourvoyais dans une impasse que limitait un tas de sable et j’étais aussitôt moqué par les gosses, leur mère et le chien. Survenait une jeune femme qui me proposait son aide.
-Je suis Gala.
-Amusant, lui disais-je, ma femme se prénomme Gala.
Ses autres qualités: des cheveux blonds coupés courts, trois langues sues et parlées (la mère de mes enfants à cette coupe, R. est trilingue).
-Viens, je t’emmène manger une pizza à la Rue Planck!
Main dans la main, nous courions à travers le vignoble pour atteindre les environs du Casino de Montreux (afficheur, lorsque je longeais ce bâtiment, j’avais la sensation d’être à l’extérieur du monde de la réussite), où cette jeune femme me poussait dans des rues à la mode à la station répétant, “Planck, la pizzeria Planck!”
-Je n’aime pas, protesté-je, c’est sans intérêt! De toute manière, on ne trouvera jamais!
Elle, pleine d’entregent, entrait dans les bars pour se renseigner. Campé sur le trottoir, tétanisé, j’assistais alors à des accidens de voiture voulus et provoqués par des gosses de riches conduisant de luxueuses décapotables. Déboulés de Caux et de Gryon, ils écrasaient des ouvriers déambulant sur les trottoirs. L’un de ces bolides fonçait sur moi. Je levais les jambes et volais, l’acrobatie m’épargnant toute blessure. La jeune fille sortait du bar et l’air de rien:
-Tu vas bien? J’ai trouvé le café Planck (du nom de l’institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste, situé à Leipzig, où travaille S., l’une des mes précédentes amies.) Allons manger!