Avant de mettre la voiture en position sur l’autoroute, nous faisons de l’essence. Visualisant mon arrière-boutique de Lausanne, j’annonce à Evola que je veux faire des provisions. La régime est ainsi établi: une fois arrivé en Suisse, je me réfugie et sors le moins possible. Il faut des sandwichs pour tenir. Etant donné l’équivalence des produits de supermarché entre la France et la Suisse et la différence des prix, mieux vaut prévoir. Je prends d’ailleurs un grand plaisir à cette radinerie calculée: ne pas laisser un franc au double monopole de nourriture suisse me ravit (je m’abstiens de penser que mon franc va au quadruple monopole de nourriture français). La chance est avec nous, il y a un Intermarché derrière la station-service. J’achète vite et sans apprécier du jambon sec, du jambon rose, un camembert, un chaussée-aux-moines, du yoghurt grec et de la baguette. Arrivé aux caisses, toutes les conversations portent sur les points. Un monsieur fait vérifier sa carte de points pour savoir quels achats il pourra se permettre, une mère fait scanner les pots de bébés à deux reprises pour s’assurer que la caissière à bien “enregistré les points”, la dame qui nous précède (elle achète une demi-bouteille de champagne et de la viande pour chat) demande quand elle pourra obtenir le rabais sur la vaisselle d’été. J’évoque pour Evola Budapest et le désespoir des ménagères à la fin du régime.