Je note ceci pour m’assurer que je ne me paie pas de mots: tantôt, je cherche au catalogue des films à pirater, pratique quasi quotidienne. Soudain, je reconnais le titre du film qui m’intéresse alors que je le découvre à l’instant. Aussitôt s’ensuit une série d’images rêvées: elles me montrent dans cet appartement, au salon, devant le grand écran, justifiant le piratage auprès des policiers qui viennent de faire irruption, expliquant à Gala, “mais enfin, en Espagne cela était tout à fait improbable!” Or, ces images, je les ai rêvées il y a six mois, je les ai rêvées bien avant que je visite l’appartement.
Mois : mai 2017
Absurde
Génial, tordu, et aberrant, et ridicule, de l’avenir transformé en présent à la vitesse de la lumière, Michel Onfray annonce la sortie à la date de validité d’un livre qu’il n’a pas commencé à écrire et pour cause, il traite des six premiers mois d’Emmanuel Macron, lequel n’a pas encore pris ses fonctions… Mais je n’ai pas compris! Voilà qu’il annonce la couleur: le titre sera Zéro de conduite.
-Donc vous savez déjà ce que vous en pensez? Demande la journaliste.
-Oui, bien sûr. Mais enfin, s’il y a lieu de démentir, je le ferai, je n’ai jamais craint de me tromper.
Labeurs
Aplo appelle sur le portable suisse. Je fouille mon bureau. La sonnerie vient de là, de ce fond de carton. J’ai oublié de transmettre le sujet de dissertation hebdomadaire! Je m’excuse: à raison de sept heures d’écriture par jour, j’ai la tête dans les choux (sauf un soir sur deux, au combat, où j’ai la tête dans le casque).
“Ah, ah, ah!, écrit Aplo, ne deviens pas fou!”
S’il savait ce que je traite (le monisme matérialiste et les techno-prophètes des interfaces cerveaux-machine), il renchérirait! En attendant, sur le pouce, je fabrique son pensum: “Expliquez en quoi la notion d’absurde dans L’étranger de Camus et Huis-clos de Sartre… vous vous appuyerez pour cela sur des exemples…”
Vases communicants
En février, j’étais à Paris Porte de La Chapelle. Descendu de la station du métro aérien je traverse une foule d’indigents débarqués des antipodes. Il ahanent et divaguent dans le square. Un carnaval triste des pouilleux. Je poursuis mon chemin. Le trottoir est jonché d’habits et de merde. Réaction instinctive, je me butte, serre les poings, baisse les yeux — j’avance au flair. Tout ce que la vie civilisée décourage. A l’instant, par la presse, j’apprends que la police est intervenue pour libérer les lieux. Mille occupants sont déménagés. Mais il n’y a pas d’adresse. La place nette, même désastre. Et même réponse de lâcheté, de détestation de notre société. Honte à nous!
Permanence
Tous ces gens morts. Où sont-ils? Descendus en terre. Parties du tout. Solidaires. Revenus. Cette appartenance, que l’on mesure aussi par la mort, et le retour aux profondeurs. Les grandes folies religieuses n’ont fait que remuer des métaphores. Quel ciel? Le ciel: aux yeux! Le corps? L’âme retourne au corps, le corps à la terre. Régime des solides. Comme faisait dire Unamuno à son curé dans San Manuel Bueno martír: “le corps reste ici, l’âme aussi”.
Electrototalitarisme (suite 2)
Fatigué de ramer la souris en main pour récupérer de l’information sur mon écran, je sors dans la rue, file droit sous les mûriers et entre chez Vodafone, le pourvoyeur de communication. Le commercial au crâne nu me reçoit. C’est encore la sieste, il vient de reprendre, il est las.
-Quelle puissance ai-je acheté?
- Je l’ignore, dit-il.
-Consultez votre dossier ! 300 mégas! Et j’ai?
- … vous avez?
-30! J’ai 30! Bien, voici mon contrat, lisez-le!
-Voilà, voilà…
-Dîtes-moi ce que je paie et confirmez que j’achète bien 300 mégas!
-Inutile, cela ne figure pas sur le contrat.
-Comme vous voulez, mais sachez que je veux un technicien dans l’heure qui suit!
-Volontiers, mais prêtez-moi votre téléphone, me dit-il en me montrant son appareil, je n’ai pas le droit d’appeler.
Nocturnes
Cauchemars épouvantables. Comme si le monde ne suffisait pas. Je passe ma nuit à maçonner des liaisons. Toutes sortes de personnes mal connues occupent la place et me mettent au centre de leurs préoccupations. Des individu croisés au Salon du livre à qui je suppute des relations troubles. Consciemment, ils ne m’intéressent pas. Je les évacue. Alors, ils reviennent la nuit. Quand je dis cauchemar, c’est pire: je ne hurle pas, ne me réveille pas, ne peux m’échapper — cela insiste dans des décors suintants d’émotion.