Mois : janvier 2017

Amis 2

Le pris­on­nier écrit des let­tres. Quand bien même n’au­rait-il jamais écrit avant d’être enfer­mé, il y con­sacre une par­tie de son temps. Cette ami­tié numérique, au sens lit­téral, est une affaire de survie. Les cas sont fréquents où l’ami­tié se développe, devient amour, débouche sur le mariage. Si l’on excepte quelques ren­con­tres au par­loir, les futurs époux ne se con­nais­sent donc que par l’échange de let­tres. Les réseaux soci­aux numériques, au sens de la tech­nolo­gie cette-fois, ne sont rien de plus que la reprise de cette rela­tion entre le pris­on­nier et le monde. 

Rêve cycliste

Au mois de juin, j’ai le pro­jet de tra­vers­er la Croat­ie et la Slovénie à vélo. J’en par­le ces jours avec Mon­frère, nos amis Castil­lans et les entre­pre­neurs colom­bi­ens de Medellin avec qui nous avons tra­ver­sé la chaîne des Pyrénées par les cols il y a deux ans. Or, cet été-là, lors du pro­logue, mon cadre de car­bone a cassé. Le lende­main, sur un vélo d’emprunt, j’ai crevé à la moitié de l’é­tape, puis une sec­onde fois à quelques kilo­mètres de l’ar­rivée. Cette nuit, je suis en tête. Bien­tôt, je sème le pelo­ton. Mais au som­met, je suis con­traint à l’a­ban­don: mes pneus sont troués des mites, la pein­ture du vélo coule sur mes chaus­sures. Les autres con­cur­rents se moquent. Ils dis­parais­sent dans la descente. Resté seul sur la mon­tagne, je trou­ve la respon­s­able de mes déboires: ma grand-mère. Plan­tée au milieu de la route, elle mon­tre mon vélo avec dédain. Je me réveille écœuré. Ma grand-mère, si gen­tille, asso­ciée à la destruc­tion de mon vélo! Le malaise est tel que je ne peux me ren­dormir. Je vois pourquoi ma grand-mère s’est immis­cée dans ce rêve. Depuis quelques jours, je veux par­ler de la Val­lée de la jeunesse, cette place de jeux lau­san­noise où elle me con­dui­sait enfant. Je repous­sais le moment de le faire et ma grand-mère se tenait là, sur le bord de la con­science, à la façon de ces per­son­nages de Piran­del­lo qui atten­dent que l’au­teur leur donne vie. La sit­u­a­tion que je voulais racon­ter n’est pas sans rap­port. Nous par­tions d’un apparte­ment situé au chemin de Mon­tel­ly, juste au-dessus de la Val­lée. J’emportais un skate­board, un bal­lon, des raque­ttes de bad­minton. Lorsque ma grand-mère s’in­stal­lait sur un banc, cela voulait dire que l’e­space de jeux était ouvert. Je courais sur les boss­es de béton col­oré, glis­sais à tra­vers les tun­nels de tobog­gans, grim­pais sur la petite colline de type zoologique. Si un autre enfant m’avait précédé, j’é­tais sur­pris: com­ment avait-il pu pénétr­er dans l’aire de jeux alors qu’elle venait d’ou­vrir? Plus tard, quand j’é­tais las d’ex­plor­er seul la Val­lée de la jeunesse (que je savais plus vaste que ces quelques attrac­tions), ma grand-mère pro­po­sait de jouer au “volant”. Nous n’y jouions pas  comme des Chi­nois affolés devant un comp­teur pub­lic­i­taire, mais à la manière des par­ties de cam­pagne du dix-neu­vième; habil­lées de blanc, les dames boivent des limon­ades et dis­putent des dou­bles avec des messieurs sor­tis d’un tableau du douanier Rousseau. 

Concurrence déloyale

Le pape, grand vicaire des dupes, déclarant hier à la presse: “le risque est qu’en ces temps de crise nous cher­chions un sauveur”.

Travail

Après quelques jours de repos, je suis de retour sur la ma table de pique-nique devant la mer. Lumière étale, hori­zon bleu, falais­es, eau. Sen­sa­tion bien agréable de vide. Lorsqu’un cri reten­tit, c’est un per­ro­quet qui vole au devant du palmi­er où il niche, un chien qu’ap­pelle son maître, un enfant. Le man­u­scrit divisé en dix cahiers de dix pages, je me mets aux cor­rec­tions. Deux semaines de tra­vail, songé-je opti­miste. A l’heure où je remonte manger des spaghet­tis, j’ai réécrit deux para­graphes. Ils seront à reprendre. 

The Osmonds

Ce matin, je feuil­lette le pro­gramme des con­certs de Lon­dres et tombe sur une date de Don­ny Osmond, du groupe The Osmonds. Or, il y a trente-huit ans, je lisais le mag­a­zine de Claude François, Podi­um, au bord de la piscine d’un cinq étoiles à Madrid et je vois pass­er devant moi l’homme qui fig­ure en pho­togra­phie dans mon mag­a­zine, Alan Osmond. Je me lève, le suis, com­pare : c’est bien lui! L’ayant rat­trapé, je lui demande un auto­graphe. Il feuil­lette le mag­a­zine, appelle ses frères, leur mon­tre le cliché sur lequel ils fig­urent tous, signe, me remer­cie. Mais ce qui m’a le plus impres­sion­né c’est ce qu’Alan a fait ensuite. Il a avalé un sand­wich club de qua­tre étages avec des frites puis a plongé dans la piscine. Ce qu’on m’avait dit de ne jamais faire.

Credo

Gala répute aber­rante ma posi­tion de croy­ance. De famille ital­i­enne, d’as­cen­dance catholique, elle ne peut envis­ager d’acte de foi sans un Dieu, plus encore s’il est révélé. L’idée que la foi crée son objet lui sem­ble absurde. Con­tre les for­mules tra­di­tion­nelles, philosophique et religieuse, “cre­do deus esse” et “cre­do in deum”, j’ad­hère à celle-ci: “Cre­do. Ergo deus.”

En lisant la presse

Qu’y a‑t-il à sauver dans notre société? Quelques indi­vidus au pro­fil mod­este, incon­nus du pub­lic, assis à bonne dis­tance de la scène, qui se deman­dent depuis des années en se rongeant les sangs ce qu’il advien­dra de nous, ce qu’on peut faire, ce qu’on peut encore sauver. Les débuts des grandes civil­i­sa­tions, dis­crets, tou­jours. A for­tiori quand ils suc­cè­dent à une grande civilisation.

Argent

A quoi sert l’ar­gent? A éviter les soucis d’ar­gent. Ain­si faut-il n’en avoir ni trop ni trop peu.

Rêve animalier

Ren­con­tre improb­a­ble entre des chats et des oiseaux. Ces derniers arrivent en héli­cop­tère. Je suis du côté des chats que je ser­monne: “mon­trez-vous polis, n’en faites pas trop; on donne, le change et on s’en va!”

Ménage

Dimanche. Ce matin, à sept heures, scène de ménage chez un voisin. La cour résonne. Le cou­ple ren­tre-t-il de soirée ou a ‑t-il remué tout la nuit ses griefs pour les laiss­er éclater au réveil?