Noria 2

Les dia­logues et les sit­u­a­tions vien­nent spon­tané­ment, pas les per­son­nages. Je peine à com­mencer par les per­son­nages. Ils ne m’in­téressent que pris au piège des sit­u­a­tions ou for­cés au dia­logue. Comme je descendais à la plage pour y faire une prom­e­nade utile (Gala m’ayant reproché de sor­tir seul, j’ai expliqué qu’il s’agis­sait de résoudre une ques­tion de tra­vail), c’est-à-dire obtenir une ébauche des faits à racon­ter, il m’a donc fal­lut tranch­er: allais-je écrire, ain­si que je le fais tou­jours (ce qui marche plus ou moins bien), à la pre­mière per­son­ne ou, ain­si que je le fais par­fois (ce qui marche plutôt mal que bien), à la troisième per­son­ne? Mais je retombais sans cesse sur ce sen­ti­ment lié à ma faible capac­ité de pro­jec­tion: com­ment par­ler avec con­vic­tion de choses vécues à la troisième per­son­ne? Et puis toute la vision para­noïaque du per­son­nage (qui dans les deux cas sera mon alter ego) se développe à par­tir de son obser­va­tion à la jumelle, de l’in­térieur de son apparte­ment, de l’hô­tel par­ti­c­uli­er bâti de l’autre côté de la rue. En même temps, je voy­ais bien les con­traintes qu’ex­ercerait sur le cours des événe­ments le réc­it à la pre­mière per­son­ne. Le risque du solip­sisme. Après avoir marché une demi-heure dans le sable, il a fal­lut s’asseoir. Ces ques­tions doivent être tranchées dans la posi­tion assise. Ce qui a emporté la déci­sion est la crainte de me retrou­ver, comme cela s’est pro­duit en d’autres occa­sions, face à des per­son­nages qui ne m’in­téressent plus. Obligé dès lors à pour­suiv­re mécanique­ment ou renon­cer à achev­er le réc­it. Et donc va pour le réc­it à la pre­mière personne!