Drôle de petite ville ceinte d’une ville plus grande, moderne, récente et quelconque. La ville ancienne est pleine de qualités. Elle revendique son âge. Les pèlerins aiment la cathédrale, la place majeure, la muraille et sa porte ornementée, mais chaque bâtiment a son caractère, ici art déco, là franquiste, ou encore gothique, paysan, roman, une étonnante concaténation de styles, le tout vivant, car les gens habitent le coeur de leur ville. Puis il y a le río Arlanzon. Ses berges sont laissées à l’état sauvage. Les bambous géants flottent, les soles traînent dans l’eau. Et à travers cette nature vont et devisent les promeneurs tandis que d’autres promeneurs se tiennent sur les ponts de pierre. Mais nous sommes vendredi, c’est l’émeute. Les étudiants courent à travers la ville, chantent et hurlent, les terrasses débordent, les voitures klaxonnent. Je suis souvent venu à Burgos. En vacances d’études avec les professeurs de l’Université de Genève à la fin des années 1980, à vélo avec Monfrère en 1991 lorsque nous roulions en direction de Saint-jacques sur des VTT de supermarché et l’année suivante, seul, après avoir marché cinq cent kilomètres depuis Hendaye, les genoux brisés, les pieds en sang, reposant dans une minuscule chambre de pension, au bout d’un couloir et chaque fois c’était la même fête, la même éruption nocturne. Au réveil, le décor change. Devant l’hôtel défile la garde montée. Portant cet étrange képi à dos plat qui a disparu dans le reste de l’Espagne, les soldats de la Guardia Civil menés par une fanfare rendent les honneurs pour l’accueil d’un ministre. Comme nous allons récupérer la voiture dans un parking souterrain, un militaire armé fouille nos valises. Puis nous filons pendant des heures à travers le jaune des blés coupés.