Côte de boeuf

Au Café Réal, sur la plus belle place majeure d’Es­pagne, nous atten­dons Enabel et Nabu­chodonosor. Mille per­son­nes sont là, debout, assis­es, buvant, chan­tant, qui avec des enfants, qui avec des vieil­lards, en bande, en cou­ple ou entre amis. La place majeure est le lieu unique des ren­dez-vous de Sala­manque. Le café Réal est presque inac­ces­si­ble. Au comp­toir, le clients qui se pressent font  couch­es. Même les plus aguer­ris des Castil­lans renon­cent . Ils jet­tent une œil et se retirent. Gala a attrapé une table ronde sur pied, elle ne la lâche plus. Les amis appel­lent, ils sont en retard. Nous essayons de nous sou­venir de son nom à lui. Quelque chose comme Nabu­chodonosor, ce qui laisse bien des pos­si­bil­ités. Nous avons con­nu le cou­ple il y a deux ans, la nuit de la Saint-Sylvestre, comme dis­ent les Espag­nols, pen­dant le “cotil­lion” et son rite des douze grains de raisin. Les voilà. Bras dessus-dessous, deux fois nous faisons le tour de la place. Gala regrette que les boucheries andalous­es ne pro­posent pas de bœuf. C’est ce qu’elle voudrait, une côte de bœuf. Manger une côte de bœuf. Nous tournons une nou­velle fois autour de la place majeure, dis­cu­tant les mérites du veau et du bœuf, selon la façon dont il est coupé, “chuletón”, “solomil­lo” ou “entrecót”. Nico­dar (tel est son nom) nous mène d’un restau­rant à l’autre. Ensem­ble, nous par­courons les menus de viande et com­men­tons les prix des pièces. Il est près de vingt-trois heures, lorsque nous faisons notre choix. Le maître d’hô­tel nous installe dans une mag­nifique salle au décor rus­tique. Les pla­fonds de pierre sont voûtés, les bouteilles de rouge alignées dans les alcôves. Je porte mon choix sur une côte de bœuf gros sel de 950 grammes d’une épais­seur con­sid­érable.  Gala com­mande des cœurs d’artichauts.