Zernez

Zernez ce soir, dans les Grisons. “Tiens, cela existe”, telle est ma pre­mière réflex­ion. Puis vien­nent des repères: des vil­lages de la val­lée du Rhône à l’époque des manœu­vres mil­i­taires, des bourgs déshérites des Franch­es-Mon­tagnes lorsque nous emprun­tions les routes sec­ondaires trois jours d’af­filée pour coller les affich­es des con­certs de l’Are­na de Genève. Nous plan­tons la tente entre deux arbres. Der­rière un talus coule l’Inn. L’air est frais, la nuit pro­fonde. Il y a une sci­erie et des bil­lots de bois sur un terre-plein. Dans ces endroits, il y a tou­jours des sci­eries. L’idée même de sci­erie est asso­ciée dans mon imag­i­na­tion aux fonds de val­lée. Lorsque je pense sci­erie, je ne pense jamais forêt. Nous déroulons nos sacs, gon­flons les oreillers. Un train passe. Je m’é­tonne qu’il passe. J’au­rais juré qu’il s’ar­rêterait, sta­tion­nerait puis repar­ti­rait dans la même direc­tion. Même main­tenant qu’il est passé, je me dis: comme a‑t-il fait pour quit­ter la val­lée? A moins qu’il n’y ait un tun­nel. Une chose est sûre, nous sommes où nous voulions être, au pied du parc nation­al suisse. Et demain, nous roulerons en direc­tion de l’Autriche.