Ce matin, au réveil, une pluie grise et un ciel glacé. Le pire quand on va à vélo. Bientôt les mollets sont bleus, les bagages détrempés, l’envie en berne. Par un chemin en cravate, nous quittons la rue principale de Zernez et ses 627 auberges grisonnes pour touristes. Lorsque la pente s’adoucit, nous sommes en forêt, entre des arbres noirs. Un intellectuel a créé un promenade des sculptures. On y trouve des têtes, des corps, des cubes, des poteaux, des totems, la plupart taillé à la tronçonneuse. Puis un village exceptionnel, qu’il faut mériter (la route grimpe contre le ciel), Guarda. Une enfilade de maisons moyenâgeuses aux façades décorées, de splendides fontaines en planches, des statues polychromes de soldats, des vierges, des christs paysans, à tous les étages des rösti et même un syrien catapulté par la mondialisation. Le soir, bivouac dans un camping. Quelques caravanes et au restaurant cette scène extraordinaire: une famille composée de monsieur et madame, cinquante ans et monsieur père et madame mère, septante ans, boivent avec délectation, en accompagnement de leur rösti, une bouteille de jus de raison à vingt-neuf francs.