Le car qui traverse le parc national en direction de Zernez est presque complet. La postière veut bien faire une exception et nous vendre des billets mais il faut que l’on sache qu’un voyage en car d’une heure, par le col, ça se planifie et que dans tous les cas, il faut appeler la veille pour réserver les billets, surtout si l’on prétend charger des vélos. N’est-ce pas extraordinaire? Mais oui, en effet, le car n’a plus que deux places disponibles. Je m’installe à côté d’un bonhomme corpulent qui croise les bras sur son ventre. Aimablement, il se déplace afin que nous soyons réunis. Comme il trouve un siège deux rangées plus loin, j’entends la conversation; d’ailleurs, toutes les conversations s’entendent. Son nouveau compagnon de voyage est français. Aussitôt le dialogue commencé, ce dernier déroule une série de faits historiques concernant la vallée. L’autre se tait. Peu après, il se lève et rejoint un groupe assis près du conducteur. De temps à autre, il fait un commentaire. “La partie basse de la route est en réparation”. “Ce sont des motards autrichiens”. “Il en est tombé un mètre la veille de Noël”. “Ils prennent des risques, font des accidents et après il faut les transporter avec l’hélicoptère”. A la fin, il précise: “il y a trente-deux ans que j’habite dans la vallée”. Comme nous amorçons la descente de col, quatre chasseurs montent à bord du car. Faute de place, ils s’agenouillent et posent leurs fusils en travers de leurs jambes. Peu après, le trafic est arrêté: un motard autrichien est sorti de la route.