Ordre

La femme de ménage prend son tra­vail à 14 heures. Elle aspire, astique les meubles, net­toie les deux salles de bains, lave le car­relage de la ter­rasse. Quand je ren­tre du restau­rant, elle s’oc­cupe de la cui­sine, je fais la sieste. Quand je reviens à mon bureau, elle s’oc­cupe des cham­bres. A 17h30, je sors et la laisse seule dans l’ap­parte­ment. Elle passe alors la ser­pil­lière sur l’ensem­ble des sur­faces et finit pas la cui­sine. A vingt et une heures trente, lorsque je ren­tre chez moi, j’ose à peine tra­vers­er le salon avec mon vélo: tout brille, tout est grand. Au lieu de pouss­er le vélo, je le porte en veil­lant à ce que les roues ne tour­nent pas ce qui répandrait le sable de la plage sur le car­reau. Alors, je vais dans la cui­sine, bois de l’eau, de la bière, mange un peu, dépose l’assi­ette dans l’évi­er. Le lende­main, je recom­mence: c’est l’heure du petit déje­uner. Nou­velle assi­ette dans l’évi­er, le café débor­de, un couteau tombe, un reste de beurre gicle sur le sol — j’es­suie. Le pre­mier jour, on aperçoit à tra­vers le désor­dre qui s’in­stalle le résul­tat obtenu par la femme de ménage. Le sec­ond aus­si. Le troisième, cela dépend. A con­di­tion que l’on range, que les déplace­ments soient pru­dents. Dix jours plus tard, bien qu’on ait veil­lé à garder les choses à leur place, chif­fon­né l’eau qui coule, ajusté les draps, bref, bien que l’on ait veil­lé à la con­ser­va­tion générale de l’ap­parte­ment, il sem­ble impos­si­ble de revenir au point de départ. Il faudrait un mir­a­cle. Ce mir­a­cle, c’est la femme de ménage. Le désor­dre social s’in­stalle au même rythme. D’abord dis­cret, puis pesant, enfin sans solu­tion. Et il n’y a pas de femme de ménage miracle.