Mois : juillet 2016

Chasse 2

Le soleil est revenu. Or, je vois que les araignées ont quit­té mon pla­fond. Reste à savoir si elles sont arrivées à bon port.

Eaux de Munich

Munich est une ville de parcs et de pierre, mais aus­si, une ville d’eau et d’eau vive. Que je me sou­vi­enne, j’ai rarement vu autant de canaux, de cas­cades, de chutes et de ruis­seaux. A l’in­stant, der­rière des bar­res d’im­meubles mod­ernes et pro­pres de la Berlin­er­strasse dont on pense qu’elles révèleront des park­ings, un vaste plan d’eau ombré par de saules et, sur des aplats de pavés verts d’algues, des tru­ites à l’ar­rêt, cer­taines longues comme le bras.

Psyché

Hohen­zollern­strasse, une psy­cho­logue du nom de Ellanie Schift tient cab­i­net. Sa plaque pro­fes­sion­nelle est apposée con­tre le mur du pas­sage sous-immeu­ble qui donne accès à la cour intérieure. Au-dessus et en face sont accrochés trente grands miroirs d’an­ti­quaire aux cadres de stuc dorés. Des rec­tan­gles, des car­rés, des ovales. En rangs ser­rés, à la façon de ces parois de cab­i­nets d’a­ma­teurs que représen­tent les pein­tres renais­sants. Véri­fi­ca­tion faite, ce n’est pas une déco­ra­tion des voisins, mais l’ac­crochage d’un ébéniste; cer­tains affichent d’ailleurs des prix.

Eté

Légère accalmie en mat­inée. Hier, il a fal­lu tir­er le mobili­er de jardin à l’in­térieur et manger au salon: une longue averse boulever­sait la petite forêt. L’ap­parte­ment loué ayant toutes les ver­tus du loge­ment étu­di­ant, nous pas­sons le plus clair du temps dans la lumière élec­trique. Quand j’ai fini d’écrire, j’en­fourche le vélo et je fais le tour de la ville par l’ex­térieur. Sur les hau­teurs de l’Is­ar, dans la quarti­er Berg Am Laim, une série de ruelles aux noms alpestres et un super­marché asi­a­tique où je fais pro­vi­sion de cur­ry vert, rouge et jaune, de soja et de condi­ments pour le Pad Thai. A l’en­trée d’un cen­tre com­mer­cial, un géant Turc demande à fouiller mon sac à dos. Je l’ou­vre. Il hasarde un coup d’œil et me remer­cie alors que j’ai en poche une arme de poing et un couteau. Plus tard, je me penche au-dessus du pont Wit­tels­bach­er. Des nageurs craw­lent à con­tre-courant, quelques pique-niqueurs sont assem­blés sur le grève caill­ou­teuse, mais ce n’est pas la foule d’août dernier, quand des mil­liers de per­son­nes s’é­bat­taient dans le soleil (et que le ren­dez-vous punks du cen­tre-ville se tenait dans le pas­sage sous-voie de la Erhardt­strasse). Puis vient la sieste, cette nou­velle reli­gion. Avant de som­bre dans le som­meil je fais pro­vi­sion de titres pour les futurs romans policiers. Le principe con­siste à mari­er une référence à la cui­sine espag­nole avec une référence au crime. Cela donne: Loup de mer à l’é­touf­fée, panier de crabes andalou, pis­ton de gross­es légumes…

Chasse

Depuis mar­di, j’ai deux araignées au dessus de la tête quand je m’en­dors.
- Elles ne vont pas tomber? Dis-je à Gala.
- Elles chas­sent, répond-elle.
Cepen­dant, le seul mous­tique qui pénètre dans la cham­bre me pique. Le plus étrange avec ces araignées, c’est qu’elles sont de var­iétés dif­férentes. Garées dans le coin du pla­fond, cha­cune con­trôle un ter­ri­toire de cinq centimètres.

Racisme

Le racisme est une don­née brute; son rejet, une posi­tion morale pre­scrite par le bons sens et fondée sur le volon­tarisme cul­turel. La pénal­i­sa­tion du racisme est la meilleure preuve de ce qui précède. Quant à dire que la cul­ture peut mod­i­fi­er une don­née brute, oui, elle le peut: à par­tir d’un cer­tain degré d’é­d­u­ca­tion dans les sociétés civil­isées et un cer­tain degré de civil­i­sa­tion pour les sociétés prim­i­tives. Les chantres de l’u­ni­ver­sal­isme qui, sous nos lat­i­tudes, asso­cient le racisme à la société occi­den­tale (ce que fait de façon para­noïaque Han­nah Arendt dans Orig­ines du total­i­tarisme quant elle souligne que le racisme est directe­ment imputable à l’im­péri­al­isme) n’ont jamais vécu que dans des société policées où le niveau de vie per­met de dévelop­per des mécan­ismes somp­tu­aires qui con­sis­tent à rem­plac­er les réflex­es naturels par des réflex­es con­di­tion­nés. Dans la sit­u­a­tion actuelle ces gens-là, en rai­son d’une psy­cholo­gie fondée sus le déni de réal­ité, sont à la fois les plus exposés aux vio­lences qui accom­pa­g­nent le racisme et les plus mau­vais con­seillers quant aux réac­tions que l’es­sor de telles vio­lences impose. 

Agustiner

Désor­mais mem­bres invités d’une table de Stamm au jardin des bières Agustin­er dans le quarti­er des brasseries. C’est une table de bois mas­sif dont le maître de céré­monie est Edward, un Muni­chois de 80 ans qui mesure deux mètres. Il est assis du côté du tiroir dont il pos­sède par ailleurs la clef. Au milieu de la table, un plateau doré sur lequel est gravé “1860” date de la créa­tion de l’équipe de deux­ième ligue de foot­ball du Bay­erne (“depuis, ils n’ont rien gag­né”, pré­cise-t-il) et la devise du Stamm: “teilen”. Les tournées se suiv­ent. Rien que des chopes d’un litre, puisqu’au delà de 17h30 les garçons ne ser­vent plus les demi-litres. “Eddie” écluse trois chopes, mange une coupe de glace puis com­mande une autre chope. Mon voisin, Dieter est venu avec sa femme. Il com­mande un poulet et le dévore la mous­tache devant. Sa femme boit du vin blanc qu’elle fre­late à l’eau. Ils ont habité à Majorque, sont revenus dans le cen­tre de Munich voilà 24 ans. Gala fait la con­ver­sa­tion de son côté de la table, à sa manière joyeuse: riant, s’ex­cla­mant, deman­dant à ce qu’on traduise, faisant répéter, com­prenant, ne com­prenant pas, sur­sautant au point de per­dre l’équili­bre puis de gliss­er en bas de sa chaise avant de repren­dre en chœur l’hymne ital­ien qu’un buveur a entamé à la table voi­sine. Eddie nous explique qu’à la mi-sep­tem­bre il pren­dra ren­dez-vous avec ses cama­rades pour ramen­er la table à l’ate­lier où ils la pon­ceront et la verniront dans l’at­tente de la prochaine sai­son. L’hiv­er, nous pour­rons les retrou­ver dans la grande salle de la brasserie, à gauche.

Etrons

Vues du ciel les voitures gris­es et noires, aux formes ron­des, oblongues, appa­raî­traient aux extra-ter­restres comme autant d’étrons; ils chercheraient en vain la bête capa­ble de défé­quer à une telle échelle.

Dupes

Les musul­mans qui pré­ten­dent con­quérir l’Eu­rope sont dupes: vu l’é­tat de leurs con­nais­sances rien ne leur per­me­t­trait de main­tenir en fonc­tion­nement nos sociétés.

Spéléologiques

Le matche de boxe que je dis­pute a lieu à Thonon à 18h00. Un sac à dos chargé de matériel de com­bat, je quitte mon bâti­ment, un HLM bâti sur la colline. Pour rejoin­dre la France, il faut emprunter un tun­nel de 1,5 kilo­mètres creusé sous le lac. Atten­dant dans une salle émergée mon tour de pénétr­er dans le boy­au, je devine dans le noir des enfants qui se sont engouf­frés. Des cris me parvi­en­nent, il y a bous­cu­lade. Pour faire régn­er l’or­dre, je rampe dans le boy­au.
- Voyons, qui se rend en France et qui se rend en Suisse?
De retour dans la salle, je tombe nez à nez avec la direc­trice du Salon du livre de Genève dont je moque l’air guindé:
- Faîtes quelque chose, matez-les! En plus, ils ont allumé des cig­a­rettes! Ils vont nous étouf­fer!
Comme la sit­u­a­tion dégénère, je regagne la sur­face. D’un kiosque, on me hèle:
- Et cette boxe?
- Par le tun­nel, c’est impos­si­ble, je vais mourir. J’i­rai en taxi!
Alors, tous les pié­tons de la rue se tour­nent vers moi et réci­tent des poèmes.