Lu ces derniers jours deux romans policiers d’Exbrayat. Le premier, Une vieille tendresse, portrait de mœurs plutôt qu’intrigue, écrit en 1981, est d’une réjouissante qualité littéraire. La langue est précise, musicale, syntaxique, les dialogues réalistes rappellent le meilleur Simenon. Et comme l’action se déroule en Haute-Ardèche, l’étude des paysages et des caractères le disputent à l’Histoire, tous éléments qui m’éclairent sur mon incapacité à lire des romans policiers actuels: la plupart sont traduits de l’Américain par des bras-cassés ou, lorsqu’ils ont écrits en français, leurs auteurs singent le style américain. Dans la foulée, piochant dans la bibliothèque de fortune d’un hôtel de Kut composée de livres abandonnés par les voyageurs, je lis l’Aiguille creuse de Maurice Leblanc et un Agatha Christie. Arsène Lupin, dont j’aimais autrefois les aventures est un personnage pour adolescents, ce que je ne pouvais savoir, étant moi-même, au moment de leur lecture, adolescent. Entre des rebondissements fondés sur la plus hasardeuse des spéculations et la fabrique artificielle de mystères, la narration s’étiole. De fait, l’auteur n’est pas dupe, qui invente au récit des directions improbables pour, dirait-on, faire ses pages. Quant à Agatha Christie, si l’intrigue est irréprochable, le style est désuet et les dialogues qu’elle met dans la bouche de son détective, Hercule Poirot, voulus. Remarques qui posent la question de l’histoire du roman policier: est-elle possible? Comment une genre codé, ce pourquoi il est mineur, peut-il faire histoire?