Béton 2

Dans le parc arborisé, des bassins à jets. Sur les bancs, des musul­manes enroulées dans des tchadors noirs. A l’extrémité de l’e­s­planade, la mosquée. Elle a la forme d’une pâtis­serie à la crème affais­sée. Le con­traste avec les deux tours jumelles de Petronas, la com­pag­nie des pétroles malais, entre­prise publique, est com­plet. Ce sont elles, ces tours, les sym­bol­es de la reli­gion véri­ta­ble, l’ar­gent. L’is­lam, c’est pour les ânes qui veu­lent bien y croire. Et pour pouss­er la métaphore, ajou­tons que ces deux phal­lus de métal traduisent bien l’ar­ro­gance du mâle (c’est-à-dire sa faib­lesse): hors de leur étui, munis de gross­es couilles ron­des à hau­teur de sol, ils tutoient le ciel. Les femmes elles, tel des clo­portes empêtrés dans leurs sacs de toiles, se meu­vent avec peine sur des espaces pat­inés que sur­veil­lent les caméras. Obser­va­tion faite, le vête­ment est si mal pra­tique, qu’elles ne peu­vent ni courir ni manger ni s’é­bat­tre — sauf aux heures imposées. Un drame! Autour du parc arborisé, un tun­nel péde­stre — ain­si nom­mé. Long d’un kilo­mètre env­i­ron, il est refroi­di à l’air con­di­tion­né. Devant chaque pili­er, des hommes en uni­formes, flics, concierges, mil­i­taires, gardes-pipi. Les ram­pes d’escalier don­nent accès à des fran­chis­es multi­na­tionales: Bask­in’s & Robin’s, Ken­tucky Fried Chick­en, Wendy’s. Quelque part dans les étages, les dupes peu­vent vis­iter les tré­sors de l’aquar­i­um ou du zoo: requins, lions kenyans, poulpes géants, éléphants… Au bout de ce tun­nel que l’on peut emprunter sur deux niveaux (en souter­rain, il est illu­miné par des pan­neaux de pub­lic­ité), les bâti­ments en forme de couille, le cen­tre com­mer­cial à pro­pre­ment dit, où l’on trou­ve dis­tribués sur sept niveaux les mar­ques les plus rabâchées d’oc­ci­dent Zeg­na, Swatch, L’Oréal, Patek Philippe, Mas­si­mo Dut­ti, Esprit, etc. Dans les bou­tiques, garants de ce tré­sor de la moder­nité, Malais et Malais­es en uni­forme. Pas un client. Et tou­jours l’air con­di­tion­né. Ressor­tant du cen­tre com­mer­cial par der­rière, tout un périple, j’ai voulu descen­dre dans la rue: il y a bien une rue, mais à part des voitures, des hôtels flan­qués de leurs Lam­borgh­i­nis de démon­stra­tion et des entrées de bureau, Shell, PNB, Apple, rien. Ain­si, très vite, on s’in­tro­duit dans un autre cen­tre com­mer­cial où l’on retrou­ve nos  grandes mar­ques occidentales.