12h42 en gare de Lausanne. Effet de la gestion informatique des flux, le train est bondé. Promiscuité choquante car programmée. Elle touche l’ensemble des activités. Le quotidien n’est plus que routines; ces routines sont l’équivalent physique de séquences numérisées. Quelque part, l’argent s’accumule. Le corps se recroqueville, l’activité réflexe augmente; à terme, elle disparaîtra. Déjà la torpeur emporte les caractères faibles. Chez les autres, la frustration augmente. Avec pour corrélat cette fatalité: la violence. Me revient en mémoire cette scène de bus. Ouverture de Terre des hommes: de bon matin, Saint-Exupéry traverse la banlieue avec des fonctionnaires. Eux vont au bureau, lui est pilote à l’Aéropostale. Son regard n’est pas condescendant, mais apitoyé. L’état de déchéance de l’humanité le frappe. Que dirait-il de notre monde? A l’avenir, gardera-t-on la faculté de juger de notre état? Dans l’histoire, tout est affaire de changement de paradigme. Nous sommes à la veille d’un changement majeur. La critique exige que l’on puisse mettre en relation deux mondes. Non pas l’ancien et le nouveau, mais le monde souhaitable et le monde réel. En d’autres termes, il faut savoir attendre autre chose que ce qui a déjà eut lieu. Une capacité menacée.