Anniversaire

Parce que Gala a le sens des fêtes, nous avions imag­iné pour ce jour d’an­niver­saire toutes sortes de lieux. Me plai­sait d’abord pour mes cinquante ans d’imag­in­er le moins pos­si­ble et de n’or­gan­is­er rien. L’auberge de Val d’Abon­dance con­ve­nait bien; elle est en France bien sûr, mais quoique belle et lux­ueuse, elle n’est qu’une auberge et proche de l’In­ter­nat d’Ap­lo. De plus, nous auri­ons dor­mi dans le même bâti­ment. Une fois con­staté que tout était réservé et que les bons restau­rants de la val­lée, en cette péri­ode qui précède les vacances de neige, étaient fer­més, j’ai envis­agé à mon corps défen­dant des solu­tions com­pliquées, mieux vaut dire aber­rantes: tables classées sur le lac d’An­necy, le lac Léman, et je ne sais quel autre lac. La corvée que représen­tait le pas­sage de fron­tière, la con­duite de la voiture, la pré­pa­ra­tion des ren­dez-vous, gâchait d’a­vance les réjouis­sances. Fri­bourg avait ma faveur. M’eut-on pro­posé le meilleur restau­rant de France, j’au­rai choisi Fri­bourg. Entre temps, les atten­tats de Paris venaient encore com­pli­quer la cir­cu­la­tion en France. Par hasard, nous avions vu juste. Nous voici donc à l’hô­tel, à quelques mètres de l’ap­parte­ment où ne traîne plus qu’un mate­las et la machine à café. Neu­vième étage, vue sur le monastère de la Maigrauge. Nous nous habil­lons. Du frigidaire de la cham­bre, je tire une bouteille de bière. Puis un autre et une troisième. Mon­père, bien que généreux, dédaig­nait ce type de facil­ités. A l’hô­tel, jamais nous ne tou­ch­ions au con­tenu des frigidaires. Ain­si ai-je le sen­ti­ment de m’au­toris­er une luxe. Mais ce dont je me réjouis plus que tout est de descen­dre jusqu’au pont de Zaehrin­gen à pied. Gala veut m’en dis­suad­er. J’ai l’a­van­tage: c’est mon anniver­saire. Et nous voici, Aplo et moi, marchant dans le brouil­lard. Grands-Places, Georges-Python et la rue de Lau­sanne, puis la Grand-Rue. Gala et Luv arrivent en taxi. Déjà instal­lés, nous les recevons à table. Et à minu­it, au pub, en face de l’hô­tel, deux cent per­son­nes suiv­ent le cham­pi­onnat du monde des poids lourds. Nous prenons place pour suiv­re les derniers rounds.