Mois : février 2015

Recherche humaine

Recherche sans espoir mais néces­saire. Sans elle, pas de vie. Recherche infinie, com­mencée par d’autres hommes avant ma nais­sance, con­tin­uée par d’autres hommes après ma mort. Idée mal­gré tout récon­for­t­ante. Héroïque.

Travail

Je ne déteste pas le tra­vail tel que l’or­gan­ise la société, je le trou­ve ridicule. Ado­les­cent, je con­ce­vais qu’on puisse exercer un méti­er, mais ne com­pre­nais pas qu’on tra­vaille. Je ne com­prends tou­jours pas. A voir ces indi­vidus en activ­ité dans des bureaux ou ailleurs (mais désor­mais presque tout est bureau et manip­u­la­tion à dis­tance), il me sem­ble que le grand com­man­deur, invis­i­ble, s’a­muse et se moque d’eux.

Dépassement

Bernanos: “La chré­tien­té a fait l’Eu­rope. La chré­tien­té est morte, L’Eu­rope va crev­er. Quoi de plus sim­ple?” Quant à moi, c’est à Niet­zsche que je pense et à l’im­pos­si­ble exi­gence qu’il a for­mulée. Depuis qu’il nous a ouvert les yeux, nous étions sur le seuil, désor­mais nous reculons.

Lion

M’a frap­pé il y a quelque semaines ce fait divers: au zoo de Berne (je crois) une lionne a dévoré les lion­ceaux aux­quels elle venait de don­ner nais­sance. Je me prends à croire qu’elle a voulu leur épargn­er la souf­france. Ou alors cet acte con­tre-nature est de folie, et le raison­nement est le même.

Amorces

Tout à l’heure j’écrivais. Non, j’es­sayais. Ces mau­dites amorces. Elles me tien­nent en respect. Je fixe le vide et cherche. Elles fuient. Quand elles se pro­posent enfin, il arrive qu’elles ne mènent nulle part. L’anx­iété se pro­longe par­fois pen­dant dix et vingt min­utes. Mon irri­ta­tion était telle qu’il m’a fal­lut attrap­er la poubelle de bureau et la cacher dans la cham­bre à couch­er: un papi­er frois­sé plus tôt dans la journée se dépli­ait en émet­tant des bruits.

Répliques

Je ne sais si c’est moi. Ou eux. S’ils sont jeunes, si je suis vieux. S’ils sont, comme je le crois, ressem­blants ou si je les crois ressem­blants parce que la cour­toisie dés­in­téressée que je leur man­i­feste s’ac­com­pa­gne d’un manque réel d’in­térêt. Tou­jours est-il que j’ai de plus en plus de peine à ne pas con­fon­dre ces ado­les­cents que je croise au club. Même coupe, mêmes mots, même démarche, mêmes habits. Au point que je me méfie désor­mais de ce que je dis craig­nant, en prenant l’un pour l’autre, de vexer.

Arnold Böcklin

Réveil­lé soudain par la mémoire de cette toile extra­or­di­naire d’Arnold Böclk­lin, Le bois sacré, vue à Ham­bourg il y a trois ans. Le pein­tre nous mon­tre une pro­ces­sion de druides en tenue blanche chem­i­nant entre des hêtres. La mer s’ou­vre à droite. Au pre­mier plan, deux autres druides ont allumé un feu. Au-dessus de ce feu, une colonne de lumière bleue joint la terre au ciel. La scène est à ce point sai­sis­sante et mys­térieuse qu’il y aurait un livre écrire sur les événe­ments qu’elle suggère.

Théories de la mort

En plus d’of­frir un récon­fort plus qu’in­cer­tain, la maxime des épi­curiens dis­tin­guant rad­i­cale­ment vie et mort (je ne peux hélas pas la citer de mémoire — je crois qu’elle porte sur la ques­tion de la destruc­tion du moi) me sem­ble opposée à la fois à la con­ser­va­tion de l’én­ergie théorisée par la physique et à l’in­tu­ition qui tend à nous représen­ter la mort comme une con­tin­u­a­tion de la vie sous un état autre et non, comme dans la mythe pla­toni­cien de la trans­mi­gra­tion ou dans la chris­tian­isme, à une attente pré­parant un retour à la vie.

Professeur d’allemand

Aplo apporte à la mai­son son devoir d’Alle­mand. Il lui est demandé d’écrire un dia­logue, lequel sera dit à l’o­ral avec un cama­rade. Il lui faut donc con­naître les ques­tions et les répons­es. Sujet: la pro­fes­sion. Quel méti­er souhaites-tu faire?
- Bien. Vas‑y!
Il me dévis­age per­plexe. Je m’aperçois alors qu’il n’a con­nais­sance ni du vocab­u­laire ni de la gram­maire.
- Apporte ton livre!
- Nous n’avons pas de livre.
J’ex­plique la méth­ode: penser la phrase en français, l’écrire, chercher les mots équiv­a­lents en alle­mand, pra­ti­quer les accords, véri­fi­er les cas, con­juguer les verbes.
- Tu veux dire qu’il faut utilis­er un dic­tio­n­naire?
- Tu as une autre solu­tion? Où ton pro­fesseur pen­sait-il que tu trou­verais les tra­duc­tions?
J’en­voie donc Aplo chercher mon dic­tio­n­naire bilingue, nous tra­vail­lons, nous faisons le devoir. Une heure plus tard, le dia­logue est en place. J’écris alors un mot au pro­fesseur d’alle­mand dans lequel je lui demande de m’ex­pli­quer com­ment l’élève peut réus­sir sa pré­pa­ra­tion sans l’aide de livres et sans con­nais­sance de la gram­maire.
Le lende­main:
- Tu as remis la let­tre à ton pro­fesseur?
Le surlen­de­main.
- Quand compte-t-il répon­dre?
- Il ne répon­dra pas parce qu’il ne par­le pas français.

Retour

Retour du religieux. Et quoi encore? Présence d’id­iots relat­ifs (ils le seraient moins dans leur société) qui pro­fessent la foi du charbonnier.