Mois : février 2015

Pai

A Pai, site encer­clé de mon­tagnes avec ses baraques de bois et de tôle et mille touristes dont quelques-uns, cheveux longs et pieds nus, égarés dans notre époque. Je tra­verse le pont et m’éloigne. Mon hotel est à trois kilo­mètres (réser­va­tion sur inter­net) entre des buf­fles et des riz­ières sèch­es, j’y suis seul. Plus tard, au vil­lage, je trou­ve Guy, pro­prié­taire des bateaux qui pro­pose la descente de riv­ière. Mais je suis le seul à vouloir me ren­dre à Mae Hong Son par voie d’eau. Pour l’in­stant, donc, pas de départ prévu.

Bulles

Pour préserv­er notre cou­ple, Gala cherche un lieu de vie qui n’a­jouterait pas à mon agres­siv­ité. Avant tout, cela implique une société dont les intérêts dif­fèrent des notres — ce qui ne se peut pas. C’est la lim­ite du dépayse­ment: qui s’in­stalle est bien­tôt rat­trapé par le paysage. Il y a toute­fois des degrés dans le rap­port d’in­térêt et des degrés dans la qual­ité des savoir-vivre. A l’in­stant, je songeais aux expéri­ences bulles. Parcs d’at­trac­tion où pren­dre une cham­bre d’hô­tel, sta­tions de mon­tagne arti­fi­cielles, chez nous, aquar­i­ums avec palmiers et huttes. Que souli­gent ces lieux sinon la néces­sité de la fuite? Dont l’of­fre, au-delà de la métaphore, est peinte sur un mur.

Hommes d’affaire

Dans l’avion pour Chi­ang Mai des hommes d’af­faires. Cos­tumes bon marché, chemis­es de mau­vais tis­su, bagues au doigt. L’un lit en chi­nois, l’autre en thaï. Cette ten­dance à croire qu’il n’y a d’hommes d’af­faire que dans le coeur des grandes villes, où l’ar­gent se donne en spec­ta­cle. Il y a vingt ans, je volais à basse alti­tude au-dessus de la forêt de Bornéo de Sibu à Kuch­ing. Les autres pas­sagers, des hommes d’af­faire, por­taient des cos­tumes rapiécés par leur maman.

Organisation

La reli­gion ne doit pas être une principe organ­isa­teur du réel, mais un principe organ­isa­teur de soi.

Gares de bus

Marchands ensom­meil­lés des gares de bus, au fond des salles sec­ondaires, intérieures, affalés devant cent paque­ts de chips. Sur les chais­es de plas­tique, un moine, une vieille chi­noise con­stel­lée de ver­ro­terie et un por­teur san tra­vail, la main sur la charette.

Enfer

Ce théolo­gien, rap­porte Julien Green, qui dis­ait:
- ” Vous savez, en enfer, il n’ya que quelques per­son­nes. Pas plus de trois ou quatre.”

Femmes d’artistes

Femmes d’artistes, dévouées à l’art et qui, ajoutant à l’amour l’ad­mi­ra­tion, se met­tent au ser­vice de l’artiste. Femmes d’artistes, dévouées à l’art, créa­tri­ces et rivales, qui détru­isent la capac­ité créa­trice de celui qu’elles aiment. Des Lou Andreas Salomé, des Emma Fitzgerald.

Nest hotel

A Lat Kra­bang, au Nest hotel, au milieu des tortues d’él­e­vage avec, au-dessus de la cham­bre, le métro aérien. Dans la cour, là où se trou­ve le bar et le car­ré de pois­sons rouges, des Nor­wégiens accom­pa­g­nées de gen­tilles pros­ti­tuées pris­es a Patthaya. Ils se baig­nent sur le park­ing (la piscine est surélevée), com­man­dent des bois­sons sucrées pour les filles, de l’al­cool pour eux. L’un d’en­tre eux, à l’é­cart, appelle chez lui. Je l’en­tends deman­der:
- Qui est à l’appareil?

Doha 3

Sur les pistes d’en­vol, le A320 ressem­ble à un jou­et. Le vol suiv­ant me rap­pelle aux réal­ités de la société de masse. Les portes pour l’Asie, Hanoï, Kuala Lumpur, Tokyo, sont regroupées dans une aile de l’aéro­port, mille voyageurs s’en­tassent là, européens, majori­taire­ment nordiques, mais aus­si slaves et des musul­mans, en cohorte, embal­lés dans leur tis­su, égarés, surtout javanais. A bord, un siège à côté d’un cou­ple d’Anglais aimable et cor­pu­lent. Je leur mon­tre la pilule que je vais avaler et j’aver­tis:
- Si vous devez vous lever, poussez-moi! Me réveiller est impos­si­ble.
- Nous n’au­rons pas à sor­tir, répond le mon­sieur.
J’en­fonce alors mes tam­pons, relève mon tour de cou, cale le masque de som­meil sur mon nez et me cou­vre la tête d’une cou­ver­ture. Je me réveille trois heures plus tard pour le repas, me ren­dors après le café, me réveille à l’an­nonce de l’at­ter­ris­sage.
- Vous tra­vaillez en Asie? Fait la dame.

Doha 2

Côté pop­u­la­tion, pas de dif­férence entre Lau­sanne et l’aéro­port de Doha.