Et à Genève sur le pont du Mont-Blanc flotte cette semaine le drapeau de cette machine de guerre anti-libérale qu’est l’OMC.
Mois : octobre 2014
Masses importées
Musulmans d’Europe: inféodés à des valeurs rétrogrades et fondamentalement antirévolutionnaires. Celles-là même qui les ont amené à fuir les économies défaillantes et des mœurs coercitives de leurs pays. Et nous autres, héritiers de la grande critique, nous croyons donner dans la tolérance alors que nous contribuons à saper les acquis de l’histoire occidentale.
Géographie
Quand on a ni femme ni métier, le temps est disponible pour l’effort réel qui chez l’homme consiste à se pencher sur soi pour établir une géographie de l’existence. Ce n’est pas ce que je me souhaite mais c’est ce que je fais. Je m’achemine à travers sens et signes tout en reconnaissant que c’est un grand malheur puisque je ne fais que répéter le geste dérisoire de ceux qui ne se contentent pas du quotidien et, à la fin, ne trouveront rien de mieux.
Progrès
Imaginons que l’angoisse face à la mort soit un problème de conservatisme. Je refuse de me séparer de mon état présent, la vie. Je cherche à le conserver, alors que la mort est à la vie ce que la vie est aux limbes: une étape, une progrès. Intuition qui a inspiré une partie des religions orientales et que le rationalisme grec dans son information de la doctrine chrétienne a battu en brèche.
Asile dans les arbres
A Belle-Idée, l’asile d’aliénés de Genève, pour le travail. Devant l’un des bâtiments du parc, un jeune homme assis dans une chaise fume. Par moments, il annonce des arrêts de tram. On croirait entendre la bande-enregistrée bien connue des genevois: Place du Cirque — Rue de la Terrassière — Cornavin… Dess phrases venues d’ailleurs le traversent, qu’il répète, hébété.
Routines
Quand Tatlin me quittait à minuit, je pensais qu’elle feignait. Il n’en est rien. “Ses routines”, comme elle dit, ne sont pas fictives. Levée à 5h45, elle fait une heure d’astronomie, puis se rend au réfectoire et mange son petit-déjeuner à l’écart afin que personne ne lui parle. Elle se rend ensuite en bibliothèque et passe la journée à étudier l’histoire et la littérature. En fin d’après-midi, elle fait trois heures de combat, Kick-boxing puis Krav Maga.
Fantômes
La rue est jonchée d’immondices, un cloaque, les murs des bâtiments sont poisseux, le ciel nocturne. Errant dans Genève, je cherche un dispositif fabriqué à l’aide de bouteilles de plastique et de ruban adhésif, une grande pipe à eau, mais je suis attaqué par des hommes-singes qui ont le physique du fantôme dans ce film thaïlandais ridicule primé à Cannes, Mon oncle Boonmee, de Apichatpong Weerasethakul. Lorsque je croise d’autres passants, je les reconnais, mais ne peux les identifier par leurs noms. Des amis appartenant à un temps révolu. Au réveil, ce constat: il y a quinze ans, je connaissais à Genève, de par mes sorties quotidiennes dans les lieux rock et les milieux squat, une centaine de personne, dont j’étais plus ou moins proche, avec qui je parlais en soirée, les reconnaissant dans la rue, sachant leurs prénoms, parfois leurs noms. Aujourd’hui il ne me reste que la certitude que cela a bien eut lieu. Que ces cent personnes ont existé. Je suis incapable d’évoquer un seul de leurs traits.
Morat-Fribourg
La course. Au septième kilomètre, alors que je me demande si mon rythme n’est pas trop élevé, si je ne risque pas de caler, j’aperçois Jena-François Haas sur le bord de la route, en famille, muni de ses attributs grisonnants, barbe et moustache à la Bakounine, épaules rondes et taille ramassée. Son nouveau roman est en vitrine depuis la veille. Je l’appelle par son prénom. Il fait de grands signes, comme si nous parlions littérature.
Talons
Sorti des sous-sol de l’hôpital de Genève, nous voici arrêtés dans un carrefour. S. passe la tête par la fenêtre de la camionnette pour admirer une fille.
- Oui, lui dis-je, mais elle marche mal.
- C’est à cause de ses talons.
- Précisément. Or, elle ne sait pas marcher avec des talons.
- Quand elle savent marcher avec des talons, elles sont inabordables.