La rue est jonchée d’immondices, un cloaque, les murs des bâtiments sont poisseux, le ciel nocturne. Errant dans Genève, je cherche un dispositif fabriqué à l’aide de bouteilles de plastique et de ruban adhésif, une grande pipe à eau, mais je suis attaqué par des hommes-singes qui ont le physique du fantôme dans ce film thaïlandais ridicule primé à Cannes, Mon oncle Boonmee, de Apichatpong Weerasethakul. Lorsque je croise d’autres passants, je les reconnais, mais ne peux les identifier par leurs noms. Des amis appartenant à un temps révolu. Au réveil, ce constat: il y a quinze ans, je connaissais à Genève, de par mes sorties quotidiennes dans les lieux rock et les milieux squat, une centaine de personne, dont j’étais plus ou moins proche, avec qui je parlais en soirée, les reconnaissant dans la rue, sachant leurs prénoms, parfois leurs noms. Aujourd’hui il ne me reste que la certitude que cela a bien eut lieu. Que ces cent personnes ont existé. Je suis incapable d’évoquer un seul de leurs traits.