Bière

Vernissage des nou­velles paru­tions Art&Fiction. Habitué à trou­ver du vin sur le buf­fet, j’ap­porte dans un cabas cinq litres de bière que le gérant du bureau de Lau­sanne à refroi­di sur ma demande. La salle est comble, je bois debout, dans le couloir, par­lant peu ou à voix basse, dres­sant l’or­eille pour enten­dre les échanges qui ont lieu sur les tréteaux. Une ambiance pour gens de quar­ante ans, me dit Awar. Je lui demande son âge, que je con­nais comme celui-de mon frère: quar­ante-cinq ans. Inter­dit, il s’en va. Un groupe prend le relais, joue sur scène. Musique emportée et dansante. Gala danse. Je finis le con­tenu du cabas, m’ac­coude au bar. Je cherche avec qui je pour­rais par­ler. Je trou­ve, et par­le. Les inter­locu­teurs s’en vont, d’autres les rem­pla­cent. D’ailleurs, par­ler est impos­si­ble: la soirée est à la danse, à la musique. J’a­ban­donne. Je cherche ce que je peux faire. Boire. Ce que je fais.  Et soudain, je con­state que si j’en­tends ce qu’on me dit (à moins que je voie), je ne peux plus répon­dre. Mon inter­locutrice, la lin­guiste qui a cor­rigé le Trip­tyque, comme je m’ex­cuse, me dit, “mais non, je te com­prends très bien”. Qu’elle soit sincère ou seule­ment aimable, une chose est sûre: moi, je ne m’en­tends plus. Aus­si je retourne dans la salle, en fais le tour, m’as­sure que Gala n’a pas dis­paru (elle danse) et rejoins le bar. Il doit être vingt-deux heures. Puis jusqu’à deux heures du matin je dis n’im­porte quoi, sans rien y enten­dre, ce qui, noyé dans la musique, sem­ble beau­coup plus convenable.