Sans cesse il y a extraction: du ventre de la mère, du ventre de la nature, du giron des familles, du poids de la communauté, de la pesanteur des idéologies, de la fascination des idées.
Mois : septembre 2013
Banque
Attablé à Morges avec des auteurs de romans policiers. M. explique comment raconter un braquage et se plaint que l’approche réaliste soit devenue invendable.
- Tu imagines un voyou, il pleut, il a les pieds mouillés, son cousin a un flingue, il sait à peine l’utiliser, c’est dimanche, un dimanche pourri, la banlieue. Le casse échoue, il va en prendre pour cinq ans, peut-être sept, c’est la peine en France pour un casse, mais dans le quartier, tout le monde sait qu’il a fait le coup, il a désormais une réputation…
Plusieurs fois, il décortique la scène, parle de l’attitude du voyou, juste avant le braquage, des gestes qu’il fait, des mots qu’il prononce.
Le soir, par un des ses amis, j’apprends que M. a été condamné à vingt ans de prison pour l’attaque d’une banque.
Oberwill i.S.
Trois chasseurs. Le plus jeune porte le mousqueton. Ils tournent autour de la tente. Les voix me réveillent. Que faîtes-vous? Je dormais. Et vous? La chasse. Vous venez d’Obwill? Le jeune corrige: oui, nous venons d’Oberwill. Alors m’assaille un doute: et si Gala qui doit m’envoyer un sac de couchage en poste restante n’avait pas vérifié le nom du village?
Acablar
Au début, aucun rêve, grandes plages de sommeil noir. Puis cette quatrième nuit, les voici l’un derrière l’autre, serrés et polis. Or, c’est sous cette forme que je me représentais hier la construction d’Acablar: des paragraphes filant des thèmes sans rapport immédiat; exploration du cirque de montagne, spéculation, organisation de la nourriture, citations. L’inconscient aurait donc joué la gamme afin que je puisse juger du rendu. Ce sont ainsi succédé trois rêves. C’est l’heure du souper. Ma mère s’attaque à ses dossiers, crie qu’elle n’a pas le temps, me renvoie au téléviseur et, ajoute-elle, qu’il soit éteint n’y change rien, débrouille-toi! Ensuite un documentaire qui montre l’évolution du quartier de l’Usine à Genève sur vingt ans. Flânerie et ton badin. Fête et désordre. Suspicion, calme précaire. Dernier acte, j’entre en scène armé d’un fusil. Deux rues à traverser pour sortir de la zone de danger, mais la bretelle du fusil est coincée dans le chargeur. Les habitués du quartier portent la tenue de combat, ils se réchauffent devant des tonneaux en feu. Mon fusil est enfin prêt à tirer. Alors passe le générique de fin. Message: le réalisateur souhaitait montrer ce que nous sommes devenus. Et le troisième: le père d’Olofso, ivre, renverse une boîte remplie de dents sanguinolentes. Je propose de ramasser. Il me tend une pincette. Le travail est difficile, les dents ont glissé sous la charrette d’un brocanteur et une oie malveillante, encouragée par le père, pique dans la boîte ce que je viens d’y ranger.