Lectures à la librairie du Rameau d’or. Arrivé avec retard par suite d’une information erronée sur le lieu de la soirée je contourne les vitrines pleines de livres. L’écrivain qui lit debout pour l’audience me tourne le dos. Mon va-et-vient attire les regards des personnes assises. Enfin j’aperçois C, la représentante de l’Age d’homme. D’un signe j’essaie de faire comprendre que je vais dîner et reviendrai. Lorsque je reviens en compagnie d’un couple d’amis, il ne reste qu’un auteur, le libraire, deux amateurs et C. Nous gagnons un autre restaurant. Six à table, puis sept. Ma capacité d’écoute est vite frustrée. Les dialogues sont lents. Ils ne discutent pas, ne débattent pas, ne fusent pas, ils traînent. Il ne montent pas en intensité, ils s’accordent. A ma droite l’un des auteurs. Il présentait son roman. Regard perdu, présence nonchalante. S’il s’exprime sur l’écriture, c’est sans entrain. Peu d’énergie, peu d’expression. Phrases sans métier, répliques molles. J’écoute à droite, à gauche, j’écoute le bout de table, je reviens à l’auteur. Qui boit en silence. Oui, il ne reste qu’une option, boire. Pour se couper de cette demande pressante d’un dialogue vif où jouer du fleuret. Ce que je fais. Je commande un tournée, èuis une seconde et une troisième tournée. La bière est tiède. Songe à , comme dit Dans Le crépuscule des idoles Nietzsche fustige la bière. Elle est reponsable de l’esprit grossier des étudiants d’Allemagne Aplatissement des nerfs, qualités qui s’émoussent, je préfère les imputés àa lachimie qu’à la démobilisation de l’esprit. Et encore, il me semble que je me noie avec trop de lenteur. Une heure, deux. Quand c’est fait, que je suis asez pâteux pour n’avoir plus toutes mes facultés de répartie, les gens se séparent, vonj se coucher, et je demeure seul.
Mois : janvier 2012
Le caractère, qui est une force, amène à contrer les tendances assimilatrices de la société dont le but avoué est de détruire l’indépendance de ses sujets. Mais ces manoeuvres d’assimilation ne sont pas contrées sans recours à une nécessaire agressivité, laquelle, bientôt organisée sous la forme d’un recours permanent, génère dans le sujet une méchanceté fondamentale.
Les enfants dressent le couvert. Pour faire face à cette obligation, ils la transforment en jeu. “On dit qu’on est dans un restaurant”. Pour l’adulte, c’est l’argent qui joue ce rôle. Le travail, avec les peines qu’il impose, est sublimé dans la représentation de l’argent. Celui-ci ouvre sur un monde de possibilités. Et si l’argent produit par notre travail est en quantité insuffisante, son épargne permet aux plus mal lotis de spéculer sur la satisfaction de leurs désirs. Ce faisant le métier est transformé en travail: calculé en fonction de l’argent, il devient en effet quelconque.
Avant qu’ils ne naissent je disais de mes enfants, à quatorze ans je les laisserai libres. Dan un peu plus d’un an Arto aura cet âge et je vois dans quels chemins ils se fourvoierait si je faisais comme j’ai dit, adossant ses vues à d’autres gamins mieux aguerris mais pas plus clairvoyants. Cependant, sur le principe, je ne change pas d’avis. La liberté de s’ouvrir à la société devrait commencer à quatorze ans. Par cet exemple, la distance entre ce qu’on croit juste et ce qu’on fait est bien mesuré.
Sur ma table de nuit un ours en peluche sorti d’un carton que mon frère remuait dans la ferme de famille et qu’il allait jeter. C’est, enfant, l’ours que j’ai gardé le plus longtemps avec moi. Il ne m’a pas été acheté, je l’ai reçu de ma grand-mère. Auparavant, il avait dû appartenir à mon père ou à mon oncle. Il est élimé, son museau a été déchiré et recousu. Je l’ai posé sur la table de nuit et il n’en a plus bougé. Un psychanalyste s’empresserait d’en tirer des conclusions ravies et si je lui disais que c’est le fait du hasard, il rétorquerait qu’une telle chose n’existe pas.
Alors me vient l’idée d’écrire pour les enfants un livre. De quoi il traiterait? Je l’ignore. En aucun cas de morale. De surcroît, il aurait une utilité relative, étant donné qu’ils ne le liraient qu’une fois adultes, propbablement à l’âge où l’on se met en tête d’écrire un livre pour ses enfants.
Le jour de la mort de Franco, un homme pris dans un groupe de badauds déclare au journaliste suisse Jacques Pilet avec fierté et vindicte: ici, c’est l’Espagne, vous autres européens, vous ne pouvez pas comprendre ce que ça veut dire. Il eut fallut en rester là plutôt que de promouvoir de fausses valeurs universalistes et noyer dans l’indifférence au seul profit des technocrates les particularités nationales.