Mois : février 2011

Une bib­lio­thèque que je décou­vrais offrait une sec­tion philoso­phie. La ville qui l’abri­tait, petite et provin­ciale, rendait extra­or­di­naire l’ex­is­tence d’uen telle sec­tion. A mesure que j’a­vançais à tra­vers le ray­on­nage de la bib­lio­thèque, mes spécu­la­tions m’a­me­naient à réduire le nom­bre de vol­umes de la sec­tion. Puis je me ras­sur­ais: si la bib­lio­thèque a pris soin de créer une sec­tion, c’est qu’il y a au moins un livre de philosophie.

Dans le car pour Chi­ang Mai, Valentin. En 1993, avec des copains, il était venu frap­per à la porte de la ville aban­don­née que nous occu­pi­ons dans Genève. Olof­so ouvre.
- Madame, est-ce qu’on peut habiter dans la cave?
Il avait alors 12 ans.

Le désir de som­meil à toute heure et la dif­fi­culté du som­meil aux heures des­tinées à cet emploi, un symptôme.

Le duel se joue avant le coup de feu, dans l’échange des peurs. Peu importe que les pis­to­lets explosent, tirent faux, ne tirent pas. La présence sur le champ du com­bat fixe le con­flit en tragédie. Les adver­saires aimeraient se ser­rer la main, renon­cer, mais c’est impos­si­ble. Pour attein­dre à la cathar­sis, il faut que le feu parle.

La cri­tique étant la con­di­tion néces­saire de la propo­si­tion elle est aus­si déductible de cette dernière. Dès lors, on pour­rait réduire les livres à leur par­tie de propo­si­tion, ce qui présen­terait l’a­van­tage de sup­primer de nos bib­lio­thèques tous les livres qui de la cri­tique ne tirent pas de conséquences.

Je lui envoie une mes­sage à qua­tre heures du matin. Réponse instan­ta­née: “j’ai ouvert les yeux qua­tre sec­on­des avant que le mes­sage ne s’af­fiche sur mon téléphone”.

Sept heures d’une route droite. Nous mon­tons vers le Nord et le Laos. A force de voir défil­er des maisons dont les façades sont ori­en­tées vers le bus, j’ai l’im­pres­sion que l’ar­rière-pays est vide, inex­ploré et défendu.

Race et bureau­cratie, chapitre inouï du livre d’Han­nah Arendt sur les Orig­ines du total­i­tarisme qui traite des Boers d’Afrique du Sud. Pos­si­bil­ité d’en tir­er une pièce de théâtre qui offrirait un miroir défor­mant à notre déca­dence morale. Le dernier un sché­ma his­torique à m’avoir fait une telle impres­sion était une hérésie chré­ti­enne sur­v­enue dans l’Alle­magne baroque et rap­portée par Greil Mar­cus dans Lip­stick traces. On y voy­ait un chef sec­taire trans­porté à tra­vers la ville dans une baig­noire portée par des femmes nues.

Comme nous dis­cu­tons de la fuite des hommes vers une autre planète je fais remar­quer que les sci­en­tifiques néces­saires au suc­cès de l’en­tre­prise seront esclavagisé par ceux-là même qui sac­ri­fient aujour­d’hui la démoc­ra­tie au capitalisme.

Sukkothai — trans­porté sur 15 kilo­mètres dans un rick­shaw à moteur par un chauf­feur ivre. Pous­sière ter­ri­ble. Gala envelop­pée dans un châle. J’emprunte des lunettes qui me ren­dent la nuit plus som­bre. En chemin, le chauf­feur demande si je peux lui offir une bière. Puis s’ar­rête pour faire le plein. Dis­paraît, réap­pa­raît. Nou­velle por­tion de route. Déposés dans des bun­ga­lows en rase cam­pagne. Une femme à qui il manque un oeil nous fait atten­dre. Sur des bal­cons, des cou­ples muets, stupé­fiés. Et au sol, un gazon que des pro­jecteurs font ressem­bler à un lit d’épinards. Quand vient le pro­prié­taire, un ital­ien qui tient le per­son­nel indigène sous sa coupe. Il nous enreg­istre et a ce mot: demain je ne serai pas là, j’as­siste à une cré­ma­tion. Soyez les bienvenus!