Une bibliothèque que je découvrais offrait une section philosophie. La ville qui l’abritait, petite et provinciale, rendait extraordinaire l’existence d’uen telle section. A mesure que j’avançais à travers le rayonnage de la bibliothèque, mes spéculations m’amenaient à réduire le nombre de volumes de la section. Puis je me rassurais: si la bibliothèque a pris soin de créer une section, c’est qu’il y a au moins un livre de philosophie.
Mois : février 2011
Le duel se joue avant le coup de feu, dans l’échange des peurs. Peu importe que les pistolets explosent, tirent faux, ne tirent pas. La présence sur le champ du combat fixe le conflit en tragédie. Les adversaires aimeraient se serrer la main, renoncer, mais c’est impossible. Pour atteindre à la catharsis, il faut que le feu parle.
La critique étant la condition nécessaire de la proposition elle est aussi déductible de cette dernière. Dès lors, on pourrait réduire les livres à leur partie de proposition, ce qui présenterait l’avantage de supprimer de nos bibliothèques tous les livres qui de la critique ne tirent pas de conséquences.
Race et bureaucratie, chapitre inouï du livre d’Hannah Arendt sur les Origines du totalitarisme qui traite des Boers d’Afrique du Sud. Possibilité d’en tirer une pièce de théâtre qui offrirait un miroir déformant à notre décadence morale. Le dernier un schéma historique à m’avoir fait une telle impression était une hérésie chrétienne survenue dans l’Allemagne baroque et rapportée par Greil Marcus dans Lipstick traces. On y voyait un chef sectaire transporté à travers la ville dans une baignoire portée par des femmes nues.
Sukkothai — transporté sur 15 kilomètres dans un rickshaw à moteur par un chauffeur ivre. Poussière terrible. Gala enveloppée dans un châle. J’emprunte des lunettes qui me rendent la nuit plus sombre. En chemin, le chauffeur demande si je peux lui offir une bière. Puis s’arrête pour faire le plein. Disparaît, réapparaît. Nouvelle portion de route. Déposés dans des bungalows en rase campagne. Une femme à qui il manque un oeil nous fait attendre. Sur des balcons, des couples muets, stupéfiés. Et au sol, un gazon que des projecteurs font ressembler à un lit d’épinards. Quand vient le propriétaire, un italien qui tient le personnel indigène sous sa coupe. Il nous enregistre et a ce mot: demain je ne serai pas là, j’assiste à une crémation. Soyez les bienvenus!