Rendez-vous à l’usine avec Attila. J’ai de la chance. Les Roumains de Tatami-puzzle m’ont donné le contact d’une société italienne de Trévise, celle-là m’a renvoyé auprès de la maison-mère qui est hambourgeoise où les Allemands m’on appris que leur succursale spécialisée dans les mousses sportives était à Budapest. Le taxi me dépose devant une usine avec portail coulissant, cheminée et blocs de production. Un gardien me fait passer sous l’enseigne Polyfoam. Le plan du site en main, je me dirige vers l’escalier extérieur du bâtiment B. Nous grimpons dans le bureau d’Attila. Il est rempli d’échantillons. Attila me tend sa carte. Il est Foam manager. Et mesure deux mètres, et pèse son poids. A la fin de l’entretien, il me dit: “j’aime beaucoup votre projet, j’adore la mousse”.
Test
Le Covid est un test de mise sous tension du collectif humain. Le premier du genre. Une autre forme de guerre. Test en partie réussi puisqu’un grand nombre d’individus à découvert à cette occasion que les valeurs qu’il jugeait déterminer ses décisions n’existaient pas, que ces valeurs n’étaient que des informations artificiellement injectées dans le collectif.
Transylvanie 4
Mon appartement est à Einstein 9A, une rue borgne qui mène au “centru”. Pour enjamber les eaux jaunâtres du petit canal de la Somesul (canalul Somesul Mic), j’ai le choix entre un pont neuf et un pont vieux. D’un côté des immeubles paquets d’allumettes de l’époque des Ceaucescu, de l’autre des châteaux à bulbe et des façades austro-hongroises. Depuis le matin, j’ai roulé, j’ai attendu, j’ai volé, j’ai pris un bus et un taxi, je suis fatigué. il faut s’asseoir. Mais je veux dénicher un bar d’alcoolique. La définition serait, des poivrots et des ouvriers, une femme pilier de comptoir, de la fumée rasante, de la lumière tiède. Au bout d’une heure et demie de marche, je renonce. Trois fois le tour du centre-ville sans manquer la proche banlieue — il n’y a pas. Le le mondialisme a enterré ce genre de lieux interlope. Familial, local, vivant, bref qui ne rapporte pas d’argent. Rue Morilor à vingt-deux heures, j’entre dans le bar de cave La table des bières. J’y passe la soirée avec une Marocaine médecin, un Texan qui a fouillé le site celte de Bibracte et un réfugié ukrainien laveur de carreaux.
Licence
L’ingénieur du FabLab qui m’a aidé à imprimer le cube en 3D vient manger la fondue. Il est accompagné d’une femme ravissante aux yeux russes. Peu avant l’invitation, je vois que je n’ai pas de brûleur à placer sous le caquelon. Antan on versait de l’alcool sur un tissu-éponge, à l’occasion la table prenait feu, en général on dînait. Depuis le client est captif des assurances et du commerce, il faut acheter des capsules. Or, dans les montagnes, en demi-brousse, au pays du cochon et de la paella, c’est une gageure. Déjà l’an dernier Gala et moi avons tout essayé: coton imbibé, bougie basse, cube pétrolé — ça fume et ça tangue, le fromage se fige. Donc je viens d’aller à Puente (18 kilomètres), et j’y retourne. Auparavant j’ai appelé le plombier. Je me souviens avoir vu au fond de son échoppe de la rue Hidalgo un paquet de trois capsules. Sa femme confirme par téléphone qu’elles y sont toujours. Lorsque je reviens à Agrabuey, les invités attendent près de la fontaine municipale. Je les conduis par la place du village et le rue côtière. Soudain l’ingénieur se fige: “il faut que je te dise Alexandre, le FabLab n’existe plus. J’ai été licencié”. Je fais remarqué qu’il s’agit tout de même de l’université d’une des capitales espagnoles! Le parti au pouvoir a changé, dit Diego. “Et que comptes-tu faire?”. Oh, c’est simple, je retourne dans les Forces armées. Une plaisanterie me dis-je, car Diego est chétif, doux, habillé de bleu et de rose, mais non, il est bien soldat de l’armée de l’air (dans le guidage plutôt que dans le parachutisme j’imagine). Et nous voici attablés pour quelques heures, d’abord affables, puis causant. Après tout je n’ai fait que travailler devant des découpeuses laser avec ce technicien et ne le connais pas. Seulement, vu son aide, sa sollicitude, et la gratuité de son service, il fallait remercier (je lui ai aussi envoyé une montre). En octobre dernier, à la première minute de notre rencontre, comme s’ouvrait mon téléphone sur le logo qui couvre l’écran d’accueil, Diego avait fait remarqué: “je préfère ne pas parler politique”. Aujourd’hui, à la fin de la soirée, approuvé par son amie aux yeux russe, il s’enthousiasme: “il y a des années que je n’ai pas brassé tant d’idées!”.