A‑t-on demander si nous en étions capables?
Madrid 2
Les Ukrainiens, hommes jeunes et mûrs en pyjama gris avec des baskets de science-fiction, femmes jeunes et moins jeunes en pyjama rose avec des bottes de prostituées, quant aux aïeux (la plupart accueilli par leur progéniture réfugiée), ils semblent sortis d’une séquence sur la vie paysanne à l’époque des films de propagande des sovkhozes. Mais Xam est enfin arrivé! Cheveux en brosse, bomber kaki, le pas alerte. Ensemble nous traversons le damier du parking et démarrons pour Sesena, dans la direction de Tolède. Arrivé devant l’hôtel, bâtiment sur un giratoire au milieu des friches, Xam remarque “c’est un quatre étoiles”. Il est vrai que le village, à quelques encâblures, évoque le restant de la colère des dieux avec ses usines abandonnées ou cassées, ses maisons badigeonnées à la chaux et ses urbanisations closes. Avant de pénétrer dans l’établissement Cervantes, j’ouvre le frigidaire du van, en tire un litre de Skol, je lui passe un cannette Cardinal, saisis une cannette Feldschlössen, je le sers, je me sers et nous nous présentons à la réception avec à la main chacun une belle cannette pleine de bière.
Madrid
Déposé Gala à l’avion de Genève. J’ai deux heures avant l’arrivée de Xam. C’est par ce même avion que repartira Gala. Installé au niveau Llegadas, je vois défiler des Ukrainiens et des Ukrainiens, mais je vois aussi, à force de repérage, qu’il y a dans ce terminal un grand nombre de faux voyageurs, j’en compte quatorze: certain munis de valises à code, correctement habillés, d’autres crasseux et blessés. Un point commun, tous ont leur sac de couchage et leur coin de prédilection.
Vacances
Du vélo, encore du vélo. Electronique, statique, musical, bref en chambre. C’est une partie de mon programme des vacances. Entraînement à raison de 30, 40, 50 km par jour. Pour le reste, je prépare le petit-déjeuner, attend que Gala me rejoigne, je vaque aux occupation du ménage et la séance de vélo finie, je consulte les nouvelles du monde et visionne des matchs de MMA en buvant de la bière jusqu’à la nuit.
Nouvel-an 2
Souhaité une bonne année et obtenu la même réponse: à mon ami colombien qui bâtit depuis quinze ans un hôtel dans la jungle de Carthagène, à mon éditeur parisien qui vit entre l’Afrique à Château-rouge et la galerie de crack de Porte-la-Chapelle, à mon ami jardinier à Détroit-Michigan qui vient d’acheter dans un des centres-villes une nouvelle maison de bois pour US£ 100.-, à mon ami genevois, journaliste et critique d’art, tatoué des pieds à la tête, tête sur laquelle a fait installer des cornes sous-cutanées, à mes amis anglais d’Afrique du Sud qui partaient pour le désert de Kalahari avec “de l’eau, du vin et de la bière” et à Toldo qui m’a répondu: “je suis en tournée d’inspection dans les écoles de la cordillère où je fais enseigner aux Indiens la langue toltèque”.
Antonio Pigaffeta
Franchi l’Océan indien, Magellan aborde en 1521 les rivages de l’archipel des Philippines. A Cebu, il convertit le roi à la religion catholique, il initie la reine au culte de l’homme-dieu; à Mactan, il massacre les indigènes qui refusent le baptême et meurt sous les flèches de leur roi Lapulapu. Il apporte la religion de l’amour et la haine de ceux qui s’y refusent.
Société-machine 2
Les loisirs de consommation comme compléments à l’abrutissement du travail industriel (lecture de Adorno et Horkheimer) ou même activité central dans le dispositif de production ne peuvent prétendre neutraliser les vices techniques liés à l’ennui dès lors que le travail est découplé de l’effort. C’est le travail en tant qu’effort qui à la fois neutralise l’ennui et justifie le loisir.
Société-machine
L’homme qui s’ennuie ignore qu’il est fait pour le travail. Si la société est un machine, c’est le travail qui assure son fonctionnement. Or, quand vient à manquer le travail, l’ennui qui lui succède est un vice technique. Lequel dérègle le fonctionnement de la machine. Sauf à renoncer au paradigme de la machine pour la mise en route et la supervision des sociétés (ce qui est urgent), il faudra créer du travail, même inutile, afin de limiter la multiplication des vices techniques.