Un illuminé quelconque a décidé qu’il fallait un jeton pour ouvrir les conteneurs à poubelle. Depuis, les trottoirs sont jonchés de sacs.
Italie X
Etre à Florence, ou plutôt à Galluzzo, dans les faubourgs, sans se rendre nulle part, et moins encore au centre de la ville où vont les cortèges de visiteurs, produit un sentiment mitigé d’inscription forte dans le paysage accompagnée d’une progressive ignorance du pays dont il fait partie.
Crépuscule
Pour nos enfants, je note: tandis que le totalitarisme se met en place dans toute l’Europe, voulu et organisé par les fonctionnaires européens et nationaux sous la commande des cercles réels du pouvoir, il n’y a que peu de résistance. Quelques héros populaires se dressent, Julian Assange, Tommy Robinson, Pierre Cassen, Boris Le Lay, Jérôme Rodrigues. Une minorité écrit et dénonce. L’écrasante majorité, tétanisée, veule, peut-être bête, participe avec enthousiaste à la mise en place du nouveau système. Plus que cela, on la devine prête à entrer au service du pouvoir afin de briser toute opposition.
Voies
Tenté une fois encore de me rendre à pied à Scandicci où se trouve la palestre. Comme la dernière fois, la Mercedes verte est là, sur le côté du pont. Je me trompais, ce ne sont pas des pêcheurs descendus à la rivière (je le croyais à cause des chaises disposées sur les îlots, en réalité des débris que charrie l’eau et que redresse quelque rigolo), la voiture est d’un voisin. Sur la banquette arrière, trois chapeaux des années 1950: ils me rappellent que mes grands-pères, lorsque nous partions en promenade dans Lausanne, sortaient toujours couverts. Ils eussent renoncer à paraître plutôt que de se présenter le crâne nu. Me faufilant pour rejoindre la rivière, je vois que le volant de la Mercedes est armé d’un bras de sécurité. Amusant, quand on sait que dans le quartier, par ces chaleurs, la plupart des véhicules sont stationnés toutes fenêtres ouvertes. Bref, me voici sur la berge. De Galluzzo, mon pari est de rejoindre le quartier qui se trouve derrière la colline. La carte consultée, le lit de la rivière est le seul passage praticable. Sans cela, il faut marcher sur des routes dépourvues de trottoir que la circulation accable. Je m’engage sur les galets, m’accroche au talus, passe dans le sous-bois. Dans un champ, la trace d’un tracteur offre pour un temps un chemin, puis il me faut retourner à la rivière. Alors les choses se gâtent: je brasse dans les orties, me griffe aux épineux, essuie un nid d’araignée, lève des canards. A la fin, une clôture m’arrête. Je trouve la brèche, me glisse sous un pont d’autoroute, traverse une étendue de blé. Cette fois, j’aboutis sur un large chemin. Il mène à une baraque de jardiniers. Pas de chiens, des légumes épuisés de soleil et une troupe de vieillards qui s’enivre dans une cabane. Surpris de me voir, ils m’indiquent le “sendero” pour Scandicci. Trois cent mètres plus avant, je débouche sur la route qu’il s’agissait d’éviter. Les automobiles rasent les murs. Je veux revenir dans la rivière. Elle n’a plus de berges. Une demi-heure plus tard, griffé sur tout le corps, je suis de retour à notre coin de ferme où m’attend Gala. Après la douche, je me rends à la palestre en voiture. L’enquête est finie : dans ce territoire exigu, semé de collines et mangé de verdure, ne passent que des routes serpentines. Qui prétend renoncer à la voiture doit circuler à moto. Il y a bien les fous: ils vont à vélo et au milieu de la route, mais je ne suis ni Italien ni acrobate.
Rivière
Pas trouvé de voie pour me rendre de Galluzzo à Scandicci où je viens de prendre contrat dans une palestre: le traffic est épais, les sinuosités mangées de végétation, les murets à demi-éboulés, ceci dans un faubourg fréquenté de Florence. Quand on débouche, ce sont des carrefours, des ponts, des sens interdits. Faut-il confesser que tout ce qui n’est pas simple me semble compliqué. Du moins pour ces choses inintéressantes que l’on devrait résoudre sans autre effort, par exemple se mouvoir. Mais voilà, après un essai à vélo et un essai en voiture, peu concluants, je viens de constater que l’on peut emprunter la rivière — reste à voir s’il y a des berges.