Voies

Ten­té une fois encore de me ren­dre à pied à Scan­dic­ci où se trou­ve la palestre. Comme la dernière fois, la Mer­cedes verte est là, sur le côté du pont. Je me trompais, ce ne sont pas des pêcheurs descen­dus à la riv­ière (je le croy­ais à cause des chais­es dis­posées sur les îlots, en réal­ité des débris que char­rie l’eau et que redresse quelque rigo­lo), la voiture est d’un voisin. Sur la ban­quette arrière, trois cha­peaux des années 1950: ils me rap­pel­lent que mes grands-pères, lorsque nous par­tions en prom­e­nade dans Lau­sanne, sor­taient tou­jours cou­verts. Ils eussent renon­cer à paraître plutôt que de se présen­ter le crâne nu. Me fau­fi­lant pour rejoin­dre la riv­ière, je vois que le volant de la Mer­cedes est armé d’un bras de sécu­rité. Amu­sant, quand on sait que dans le quarti­er, par ces chaleurs, la plu­part des véhicules sont sta­tion­nés toutes fenêtres ouvertes. Bref, me voici sur la berge. De Gal­luz­zo, mon pari est de rejoin­dre le quarti­er qui se trou­ve der­rière la colline. La carte con­sultée, le lit de la riv­ière est le seul pas­sage prat­i­ca­ble. Sans cela, il faut marcher sur des routes dépourvues de trot­toir que la cir­cu­la­tion acca­ble. Je m’en­gage sur les galets, m’ac­croche au talus, passe dans le sous-bois. Dans un champ, la trace d’un tracteur offre pour un temps un chemin, puis il me faut retourn­er à la riv­ière. Alors les choses se gâtent: je brasse dans les orties, me griffe aux épineux, essuie un nid d’araignée, lève des canards. A la fin, une clô­ture m’ar­rête. Je trou­ve la brèche, me glisse sous un pont d’au­toroute, tra­verse une éten­due de blé. Cette fois, j’aboutis sur un large chemin. Il mène à une baraque de jar­diniers. Pas de chiens, des légumes épuisés de soleil et une troupe de vieil­lards qui s’enivre dans une cabane. Sur­pris de me voir, ils m’indiquent le “sendero” pour Scan­dic­ci. Trois cent mètres plus avant, je débouche sur la route qu’il s’agis­sait d’éviter. Les auto­mo­biles rasent les murs. Je veux revenir dans la riv­ière. Elle n’a plus de berges. Une demi-heure plus tard, grif­fé sur tout le corps, je suis de retour à notre coin de ferme où m’at­tend Gala. Après la douche, je me rends à la palestre en voiture. L’en­quête est finie : dans ce ter­ri­toire exigu, semé de collines et mangé de ver­dure, ne passent que des routes ser­pen­tines. Qui pré­tend renon­cer à la voiture doit cir­culer à moto. Il y a bien les fous: ils vont à vélo et au milieu de la route, mais je ne suis ni Ital­ien ni acrobate.